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Critiques de Vink (74)
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Le temps perdu

Comme c'est agréable de se laisser porter par la rêverie...



Revenant d'un salon de BD, le dessinateur Guillaume Romain, trop fatigué pour continuer à faire la route, s'arrête pour la nuit dans un petit hôtel de campagne : "Le Temps Perdu". Intrigué par une vieille gravure, accrochée dans la chambre louée, et avec une sensation du déjà-vu, il touche le dessin...le traverse...et passe de l'autre côté...

Il croise là-bas un gamin avec lequel il va faire un bout de chemin dans ce pays où les soldats poussent dans l'humus de la forêt, où on arrache, telles des molaires cariées, les vieilles maisons de la terre avec leurs racines, où les vieux conteurs se creusent littéralement la tête pour tenter de retrouver "des lambeaux de rêves"...



À son réveil, le lendemain, Guillaume remarque que la gentille hôtelière n'est pas indifférente à son charme...il promet de revenir. Peu de temps après donc, Guillaume observe, dans une autre chambre, une gravure semblable à la précédente et fait une deuxième excursion au pays du temps perdu...



Un voyage fantastique et onirique, hors lieu et hors temps, qui offre à Guillaume des rencontres d'un autre âge.

Une ballade dans les paysages magnifiques et paisibles, dessinés par Vink qui favorise les couleurs pastels, s'étirant jusqu'aux tonalités plus vives et les nuances de rose si chères à ce dessinateur.

La luminosité imprègne tout, non seulement la nature mais aussi les personnages et leurs regards. Des personnages si vivants qu'on a envie de les toucher...



Oui, c'était décidément un beau voyage dans cette contrée de l'autre côté du miroir...dans ce temps qu'on croit parfois perdu...
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Le temps perdu

Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2013. Il a été réalisé par Rodolphe (scénario, de son vrai nom Rodolphe Daniel Jacquette), Vink (dessins et couleurs, de son vrai nom Vinh Khoa), et Cine (couleurs, l'épouse de Vink). Il comprend 56 pages de bande dessinée en couleurs. Il se termine par 12 pages d'études graphiques allant du croquis à l'illustration peinte en double page, et par un court texte de remerciements rédigé par Vink. Ce dernier est également l'auteur de la série Le moine fou et de sa suite Les voyages de He Pao.



Guillaume Romain est un auteur de bande dessinée, en train de revenir au volant de sa voiture, du Salon de Cursac, un festival de bande dessinée. En ce dimanche soir, la route lui semble encore trop longue pour terminer son voyage, et il décide de s'arrêter à une auberge appelée Le temps perdu. Il est accueilli par l'hôtelière Marie Brune, à qui il demande une chambre. Elle lui tend les clés de la numéro 11, avec douche et WC. Guillaume Romain monte à l'étage et ouvre la porte. Il éprouve une vague impression de déjà-vu. Il pose son sac et se dirige vers la salle de bain pour se laver les dents. Il passe devant une gravure intitulée La pays du temps perdu, qui montre un bûcheron tenant une hache levée et s'apprêtant à cogner un tronc, dans une forêt. En tant que dessinateur, Guillaume Romain apprécie la composition de la gravure et la touche du doigt. Il se retrouve aspiré à l'intérieur de la gravure, se tenant dans la forêt, à côté du bûcheron qui lui adresse la parole. Guillaume lui demande où il peut se diriger ; le bûcheron lui indique la direction du bourg et lui confirme qu'ils sont bien dans une gravure.



Le bûcheron est bien content de pouvoir poser sa hache ; Guillaume Romain se met en marche vers le bourg. Il croise un garçon assis sur une branche, essayant de trouver des éléments pittoresques dans ce qui l'entoure pour faire sa rédaction. Il s'appelle Yoyo. L'adulte et l'enfant décident de faire chemin ensemble vers le bourg. Le garçon demande à Guillaume de se taire car il a entendu un groupe de soldats devant eux. Le garde champêtre indique aux 4 soldats, 3 autres soldats qui sont en train de sortir de terre. Les quatre premiers aident les autres à s'extirper de la terre et à se nettoyer. Le sergent Plume prend leur tête et commence à marcher au pas, en levant bien haut la jambe. Guillaume et Yoyo sortent du bois et arrive à proximité du bourg. Ils entendent des notes de musique. Il s'agit du colporteur qui joue de la vielle, des notes vertes et bleues. Yoyo indique à Guillaume de se boucher les oreilles car ces notes ravissent et ensorcellent, ce qui lui permet de voler les enfants, de les emmener et de les revendre à l'autre bout du monde. Un garçon et une fillette qui jouent dans le jardin tombent sous le charme des notes, et suivent le colporteur en changeant de couleur, lui en bleu, elle en vert.



Le lecteur peut aussi bien être attiré par le scénariste à la carrière impressionnante, que par le dessinateur à la sensibilité remarquable, que par le programme du titre ou de la couverture. Dès le départ, les auteurs proposent une mise en abîme, avec la mise en scène d'un personnage principal, lui-même auteur de bandes dessinées. La situation banale de la nuit d'hôtel bascule dès la page 5 dans la situation fantastique où Guillaume Romain peut pénétrer dans le monde des gravures, demandant une suspension consentie d'incrédulité au lecteur. Sous réserve qu'il accepte d'y consentir, l'intrigue se révèle charmante, facile à suivre. Guillaume Romain est fasciné par ces gravures, et par ce qu'il découvre en accompagnant Yoyo. Ces séquences à l'intérieur des gravures se parent d'onirisme, qu'il s'agisse des soldats en train de pousser en terre, ou de l'arrachage d'une maison. Le lecteur y repère facilement des allusions à des contes, comme le joueur de flûte de Hamelin, ou la belle figure de proue d'un navire de pirates. Mais ces contes sont comme gauchis, avec un déroulement ou une fin bizarre et non-conforme à la forme classique. Certaines séquences reposent sur des caractéristiques macabres, telles les photographies de Ciao qui révèlent les individus dont la mort est proche, où le conteur dont la cervelle se vide et qui se creuse littéralement la tête pour chercher des traînées d'histoires, des lambeaux de rêves, dans une image littérale assez dérangeante.



Il est vraisemblable que le lecteur comprenne le fin mot de l'histoire assez rapidement, mais cela ne l'empêche pas d'apprécier cette bande dessinée. S'il est tombé amoureux des pages de Vink dans la série Le moine fou, il hâte de retrouver cet artiste. Si son regard a été arrêté par la couverture, il a feuilleté la BD et il a pu constater que les pages intérieures présentent un même niveau de qualité. Vink dessine dans un registre descriptif et réaliste, avec un détourage léger des différentes formes, un trait discret noir ou brun. Les formes ainsi détourées sont ensuite nourries par la peinture de Cine qui vient elle aussi représenter les éléments, comme une technique de couleur directe. Cette technique de représentation marie la précision des traits encrés, avec la richesse de la peinture. L'intégration des traits et de la peinture atteint un niveau fusionnel qui fait que le lecteur ne peut imaginer à quoi ressemblerait une case sans la peinture ou sans les traits.



Dans la postface, Vink précise qu'il a dessiné les personnages d'après des modèles et le lecteur peut constater la cohérence parfaite des traits de leur visage tout du long de la bande dessinée, ce qui leur donne une forte personnalité visuelle. L'artiste a choisi une approche naturaliste, avec des gestes posés pour les différents protagonistes, des expressions variées et nuancées, des tenues vestimentaires réalistes et différentes suivant les occupations. Certains des personnages dans le monde des gravures présentent des caractéristiques sortant plus de l'ordinaire, à commencer par les étranges soldats qui poussent comme des champignons, Beau qui semble souffrir de nanisme, la silhouette déformée du plus grand conteur de tout le pays et son habit de ménestrel, ou encore Rose et sa forte poitrine. Pour tous, le lecteur apprécie l'impression de vie qui se dégage d'eux, la manière dont la couleur directe apporte des reliefs à leurs vêtements, la texture de la peau, leur langage corporel.



La première page commence par une case de la largeur de la page, montrant un panoramique d'une grande zone herbue, avec un village dans le lointain, et quelques arbres. L'attention du lecteur est également retenue par les belles couleurs ciel. Il y a visiblement de longues bandes de nuages éthérés qui retiennent les derniers rayons du soleil, avec des teintes jaune, orangée, violette. Vink & Cine n'appliquent pas des teintes vives ou agressives, mas des teintes pastel, l'aquarelle s'avérant parfaite pour rendre compte des nuances délicates. Dans une case en dessous sur la même page, le ciel a viré vers des teintes plus violettes, attestant de la diminution de la luminosité. S'il y est sensible, le lecteur peut alors prêter attention aux différents rendus du ciel au fil des séquences : un beau ciel bleu de printemps en page 8, un ciel dans une nouvelle teinte de violet en page 13, un ciel bleu avec des nuages plus consistants dans un nouveau panorama en page 18, un ciel menaçant d'orage en page 24, un ciel étoilé en page 40, un ciel d'été en page 58.



Vink représente les différents environnements de manière réaliste. Le lecteur éprouve l'impression de repérer l'hôtel et d'y pénétrer avec Guillaume Romain, de regarder l'accueil, la chambre, les gravures, etc. Il regarde les différentes façades de maisons et de bâtiments, que ce soit l'alignement dans la rue où habite Romain, ou celles du village dans la première gravure. L'artiste sait aussi bien décrire une chambre d'hôtel, qu'une chambre noire, ou une salle aménagée pour un banquet de mariage. Vink & Cine sont encore meilleurs pour transcrire l'impression qui se dégage des environnements naturels. Guillaume Romain avance dans un sous-bois, avec de très belles couleurs pour les feuillages, le ruisseau, les feuilles tombées au sol, etc. Un peu plus loin (en page 18), il piquenique avec Yoyo et Beau, et le lecteur s'installerait bien à leurs côtés, sur l'herbe accueillante, à l'ombre d'un bel arbre, avec une vue dégagée sur le village. Vers la fin, Guillaume Romain est train de passer la débroussailleuse, et le lecteur peut identifier les différentes plantes formant la végétation. Il constate aussi que Vink n'a pas oublié d'équiper Guillaume avec ses équipements de protection individuelle.



Le lecteur se laisse gentiment emmener dans ce récit sur le temps perdu, celui que Guillaume Romain perd en voyageant dans les gravures, et bien sûr celui qu'il retrouve. Il se laisse prendre au jeu des contes un peu bizarres et décalés pour essayer de comprendre la métaphore. Il prend plaisir à côtoyer ces personnages bienveillants et constructifs. Il ne sait trop comment réagir quand l'auteur explicite chaque séquence onirique à la fin tome, partagé entre la découverte de la solution qui lui indique s'il avait bien deviné, et une pointe de regret à voir ainsi l'onirisme s'évanouir au profit du réel. Par contre, il a pu se plonger dans des endroits pleinement matérialisés, avec une sensibilité d'artiste pour les décrire, et assister à une forme de remémoration très plaisante. 4 étoiles pour un lecteur venu chercher une histoire plus consistante, ou une étude de caractère. 5 étoiles pour un lecteur plus sensible à la poésie et la beauté de la narration visuelle.
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Le temps perdu

Cet album est une petite merveille. J'ai d'abord été attirée par les dessins mais je me suis dit qu'avec un titre pareil, cette bande dessinée devait raconter une belle histoire.



De retour d'un salon, Guillaume, dessinateur de bande dessinée, fait étape à l'hôtel "Le temps perdu". D'étranges gravures décorent sa chambre...



Il y a de la magie, de la nostalgie, des souvenirs d'enfance et de l'amour dans ce conte de fée.



Les dessins sont d'une finesse, d'une légèreté et d'un réalisme remarquables. En cadeau, à la fin, des esquisses de Vink. Un bijou de bande dessinée.
Lien : http://edytalectures.blogspo..
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Les voyages de He Pao, Tome 1 : La montagne..

"Sorcier, les Esprits de la montagne et de la forêt nous ont-ils abandonnés?" s'inquiètent deux peuplades montagnardes de la Chine médiévale, alors que de jeunes villageoises se volatilisent, sans laisser de traces, et qu'ils s'accusent mutuellement de leurs angoissantes disparitions.

Dans La montagne qui bouge, nous retrouvons avec plaisir, l'audacieuse He Pao, une occidentale (dont les parents "barbares de l'ouest lointain" ont été assassinés ,voir l'intégrale Le moine fou), garçon manqué indomptable et féminine à la fois, qui part sur les traces du "moine fou", son maître d'arts martiaux aux pouvoirs convoités. Elle voyage en compagnie de Petit Li, un enfant chinois malicieux.

Cette nouvelle série, sous le nom :Les voyages de He Pao, débute ici.

La route de cette "diablesse" qui, méditant sur le flanc d'un Bouddha de pierres le fait voler en éclats ("Misère!) changeant pour le coup le nom de la montagne en La montagne qui bouge, va croiser celle d'un juge pervers, friand des "spécialités maison" d'un fourbe tavernier.

Attirée par les somptueuses aquarelles (j'ai adoré les couleurs, les visages plus vrais que nature, les paysages sublimes et les.... ombres chinoises sur fond bleu ainsi que le coup de crayon expressif de Vink (auteur, de bandes dessinées, né au Vietnam et naturalisé belge), j'ai apprécié les moult rebondissements ("Rhaaaahh!"..."Ouille!Pitié!"..."Brom Brom!"), le mystère (qui entoure l'enquête de l'émissaire dépéché sur les lieux), le dépaysement (de la Chine médiévale), le suspense (vin drogué,galettes empoisonnées,faux soupçons,emprisonnement,souterrains,vengeance....) et l'atmosphère un peu fantastique (force surnaturelle,lumière étrange, rêve intrusif du sorcier) de cette BD jeunesse qui incite à découvrir la suite de Les voyages de He Pao.
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Le Moine fou, tome 1

J'ai conscience que je donne une note plutôt sévère à une œuvre sincère et qui recèle des qualités indéniables, à commencer par le dessin avec ses jolis tons pastels. Je peux également admirer le talent de l'auteur par rapport à la progression de son dessin si on le compare à une œuvre plus récente dans sa biographie comme « Le passager ».



Seulement voilà, je n'ai pas été touché, ni embarqué par cette histoire d'une jeune fille à moitié garçon dans la Chine médiévale du XIIème siècle qui part à la recherche d'un moine qui posséderait une connaissance des arts martiaux tellement approfondie qu'il en serait devenu fou. J'avoue même avoir eu beaucoup de mal à reconnaître les personnages tant l'action est confuse.



Le scénario est le bât qui blesse dans cette vieille bd des années 80. On a fait beaucoup mieux depuis. Ce n'est pas que cela soit complètement désuet mais un peu tout de même.



Et puis, la grande question que je me pose légitimement: pourquoi avoir choisi une héroïne d’origine européenne quand une femme asiatique aurait très bien pu faire l’affaire ?
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Le Moine fou, tome 1

Il s'agit du premier tome d'une série indépendante de toute autre. Cette histoire a bénéficié d'une prépublication dans le magazine Charlie Mensuel à partir de décembre 1983, et d'une édition en album en 1984. Il a été entièrement réalisé par Vink (de son vrai nom Vinh Khoa, né au Vietnam, et installé à Lièges) : scénario, dessins, mise en couleurs (qualifiée de coloriage dans les crédits de dernière page, établis par Vink). Il s'agit d'une série en 10 tomes qui a été rééditée en 2 intégrales en respectant le format d'origine (29,9cm*22,8cm) : L'intégrale Le moine fou, tome 1 : He Pao, joyau du fleuve (tomes 1 à 5) et L'intégrale Le moine fou, tome 2 : Poussière de vie (tomes 6 à 10). À partir de l'année 2000, Vink a donné une suite à cette série, en 5 tomes, également regroupés dans une intégrale, mais dans un format plus petit 17,1cm*24cm.



Ce récit se déroule en Chine féodale, dans le royaume de la dynastie Song (entre 960 et 1279). Un groupe de 3 personnes (Yu Kong, le fils du seigneur local Yu Feng, et ses 2 accompagnateurs) viennent de recevoir en cadeau une boisson, offerte par 2 voyageurs anonymes, dans les bois. Non loin de là, la jeune He Pao (13 ans, gardienne de buffle) est lancée dans une course à dos de buffle, contre 2 autres adolescents. Un officier retrouve les 2 accompagnateurs de Yu Kong, endormis au pied d'un arbre. Il s'inquiète de savoir ce qu'il advenu de leur maître. Des cris en provenance du village le renseignent : sous l'emprise de la folie, il vient d'incendier la maison des parents d'He Pao, qui y ont péri. L'officier intervient pour calmer la foule, sans incriminer Yu Kong. He Pao comprend qu'elle a intérêt à déguerpir en toute discrétion.



Malgré les précautions prises par Yu Feng, son fils Yu Kong réussit à s'enfuir de sa chambre, et à retrouver He Pao dans la forêt. Elle doit son salut à l'intervention de 2 nonnes qui l'emmènent sur une jonque amarrée sur la rive, non loin de là. He Pao est recueillie par 3 nonnes : Grande Sœur, Sœur Pure Conscience et Sœur Esprit Limpide. À la tombée de la nuit, une forte pluie s'abat. He Pao parvient à trouver le sommeil mais il est troublé par un cauchemar. La jonque est attaquée par 6 individus ayant l'intention de tuer toutes ses occupantes, alors qu'ils sont surveillés par un individu anonyme depuis la berge.



Le temps écoulé depuis la parution de ce premier album a consacré cette série pour ses qualités. Le premier contact du lecteur avec ces planches fait ressortir 2 de ses particularités. La première réside dans les dialogues qui sont assez denses et écrits. Vink rend bien compte de certaines tournures de phrases orales, mais certains personnages peuvent monopoliser la parole pour exposer ou expliquer leur point de vue pendant quelques cases, entrecoupés par quelques interjections des autres interlocuteurs. De fait pour un album de 45 pages, il s'agit d'une histoire dense et conséquente, parsemée de points de vue originaux.



La deuxième particularité manifeste apparaît dans l'approche graphique. Vink a opté pour des dessins descriptifs, avec des contours de formes détourés par un trait fin de largeur uniforme. Cette approche donne corps à des environnements très solides, décrits avec minutie. Ces traits encrés sont complétés par une mise en couleur en peinture directe, s'approchant du rendu de l'aquarelle, l'artiste ayant précisé dans des interviews qu'il s'agit d'encre diluée. L'apparence des pages est très singulière du fait de cette mise en couleurs. L'artiste utilise essentiellement des teintes délavées qui adoucissent les dessins, même lorsque la violence éclate. Il utilise des couleurs plus soutenues lorsque la lumière provient d'une bougie ou d'un feu, ou lors du rêve d'He Pao. À quelques reprises, il utilise également des teintes éclatantes et vives, créant un contraste total avec le reste de la planche, pour faire ressortir des visions oniriques, ou des moments brutaux. Il ajoute de la couleur dans le fond de quelques phylactères, sans que cela n'ajoute un sens au propos, ou que le lecteur ne puisse déterminer l'intention dans la mise en couleurs de ces bulles.



De page en page, le lecteur se rend compte qu'il peut se projeter dans chaque case, et qu'il se promène dans des lieux d'une rare consistance. Dans la scène d'ouverture, il apprécie le feuillage des arbres et le vert de l'herbe, lui donnant l'impression de cheminer aux côtés des 2 voyageurs anonymes. Par la suite, il peut admirer le bureau de Yu Feng dans sa demeure, les poutres apparentes de sa maison, ou encore les tuiles du toit. Toute la délicatesse des dessins de Vink ressort dans sa manière de représenter les dalles de pierre dans le jardin, des formes blanche non encrées, posées sur l'herbe. La course-poursuite dans la forêt fait apparaître que Vink a choisi des essences reconnaissables à la forme de leur feuille pour la flore, et qu'il représente des espèces d'oiseau également identifiables.



Sans en avoir conscience, le lecteur se retrouve entièrement immergé dans ces environnements reproduits avec minutie et intelligence. Il ne s'attend pas à ce que le degré de cette immersion augmente encore. Or les pages de la jonque sur la rivière, et sous la pluie sont encore plus envoûtantes, avec le tracé de la chute de chaque goutte d'eau, le cours de la rivière devenu agité par l'apport de l'eau de pluie, les impacts des gouttes sur la surface, un éclairage bleu-violet (avec des teintes d'indigo et de violine) transcrivant la nuit zébrée d'éclair. Les séquences suivantes (de jour sous un soleil normal) sont encore plus magnifiques et intelligentes. Vink parvient à montrer le relief des zones traversées par les nonnes et He Pao, les différentes natures de sol, la diversité de la végétation, et la disposition très particulière de la vallée encaissée dans laquelle elles se retrouvent acculées.



Page après page, le lecteur éprouve la sensation de déambuler ou de séjourner aux côtés des personnages, dans la forêt, dans une maison, sur une route ou un sentier. Il apprécie également la qualité de la reconstitution historique de l'époque et de l'endroit, au travers des constructions, de la jonque, des outils, des armes, des tenues vestimentaires, des coiffures. Vink n'utilise pas une mise en image démonstrative pour épater le lecteur, il se contente de montrer comme s'il s'agissait de photographies prises sur le vif, sans essayer d'éviter de dessiner les éléments les plus compliqués. En regardant les cases, le lecteur a l'impression qu'il pourrait apprendre comment fabriquer le palanquin de fortune sur lequel He Pao est transportée après avoir été blessée.



Le lecteur suit donc une demi-douzaine de personnages (He Pao, les 3 nonnes, Yu Kong, Wang Po le boiteux rigolant). Il n'éprouve aucune difficulté à les reconnaître, que ce soit par un signe distinctif de leur visage (la moustache de Yu Kong) ou par leur tenue vestimentaire. Vink adopte une approche naturaliste pour les représenter, sans exagération morphologique, ni pour les hommes, ni pour les femmes. De même les expressions des visages correspondent à celles d'adultes, assez mesurées, sauf lors des séquences d'action. Les personnages ne sont pas tous identifiables uniquement par leur visage, et il est également difficile de déterminer l'âge d'un protagoniste par son seul visage. En particulier, seul le texte permet de savoir qu'He Pao est âgée de 13 ans, car son apparence ne présente pas beaucoup de différence avec celle des sœurs qui elles ont une morphologie de femme adulte.



Totalement sous le charme visuel de cette bande dessinée, le lecteur pénètre petit à petit dans une intrigue dont le sens général lui échappe. Dans des interviews, Vink a indiqué qu'à l'origine il savait qu'il pourrait réaliser au moins 2 albums pour cette série. De séquence en séquence, le lecteur éprouve l'impression que l'auteur avait en tête dès le début une intrigue de grande envergure. En effet, la séquence d'ouverture montre ces 2 voyageurs anonymes dont les actions ont pour conséquence la folie meurtrière de Yu Kong, mais rien n'est dit de leur motivation. Yu Kong s'acharne sur He Pao, mais le lecteur reste dans le doute quant à une éventuelle préméditation ou même une volonté consciente de donner la mort à ses parents. Le titre de la série évoque un moine fou, mais il n'apparaît pas dans ce tome, ou alors peut-être juste le temps de 3 cases, de manière furtive.



Le lecteur doit donc accepter d'acquérir les informations de manière progressive et éparpillée. Il comprend qu'He Pao a été recueillie, sans en savoir plus sur ses parents d'adoption, ni ses vrais parents, sans rien savoir des circonstances de son adoption. Il apprend que les 3 nonnes sont en fait en mission, sans savoir qui les a mandatées, ni même quelle est l'étendue de leur mission. D'ailleurs il ne sait rien non plus sur l'ordre auquel elles appartiennent. Il en apprendra un petit peu plus sur Grande Sœur à la fin du tome. Il a également du mal à percevoir l'origine et les raisons de la folie de Yu Kong, ainsi que l'intérêt de ceux qui entretiennent cette folie. Dans le dernier tiers, il est enfin question de ce moine fou qui apparaît donc peut-être furtivement le temps de 3 cases, mais à nouveau incidemment, sans information claire.



Le lecteur n'a donc d'autre choix que de se tenir aux côtés d'He Pao, sans pouvoir anticiper le déroulement du récit, ou en deviner la direction générale. Il ne s'agit pas ici d'un auteur qui ne sait pas trop où il va et qui improvise de page en page, mais d'une intrigue fournie qui nécessite du temps pour en installer les différentes composantes. Effectivement, le lecteur ne s'ennuie pas un instant car il suit les tribulations d'He Pao, une jeune adolescente générant un bon niveau d'empathie. Il peut aussi ressentir l'implication des adultes autour d'elle, essayant de garder la main sur le déroulement des événements, avec plus ou moins de réussite. En outre, l'histoire est très intrigante quant au sort d'He Pao, et aux événements qui semblent se cristalliser autour d'elle, sans qu'elle n'en soit la responsable à chaque fois.



En cours de récit, le lecteur remarque des situations ou des réflexions de différentes natures. Il y a l'officier de police qui protège ses intérêts en protégeant les puissants (en particulier Yu Kong), face à une foule qui n'est pas dupe. Il y a la tirade de Wang Po sur la folie. Le lecteur peut prendre ses déclarations comme une échappatoire facile à la vie d'adulte, en cherchant le réconfort de drogues récréatives pour ne pas avoir à supporter la réalité. Il peut aussi y voir un refus de se conformer à une société normative, en vivant une vie de brigands, sans avoir de responsabilité, en profitant des plus faibles. Rapprochés du comportement du riche marchand Yu Feng, les fous ne font que reproduire le comportement des puissants qui abusent de leur pouvoir sur le dos des paysans.



La force du récit réside également dans le fait que les personnages formulent des points de vue en fonction de leur classe sociale, et de leur rôle. Ainsi Grande Sœur envisage l'existence d'He Pao d'une manière poétique et presque mystique, en voyant dans sa survie aux noyades, un joyau du fleuve, une personne sous la protection de l'élément liquide. La dimension mystique reste sous-jacente, en arrière-plan, avec l'oiseau qui guide Yu Kong pour retrouver He Pao, ou la transe dans laquelle entre Wang Po lors de sa tirade sur la folie. Au fil des séquences, le lecteur voit également apparaître la fascination d'He Pao pour les arts martiaux, pour la force qu'il donne, comme un outil de défense, mais aussi de vengeance. En considérant ce premier tome comme un prologue, cette fascination devient l'annonce du thème récurrent de la série, en lien direct avec l'existence d'une technique qui rend fou, celle du Moine Fou.



Ce premier tome de la série plonge le lecteur dans une intrigue à l'allure originale, au milieu de personnages se comportant en adultes, au milieu d'une situation complexe dont les tous les tenants et les aboutissants ne sont pas explicités. La qualité de la narration picturale transporte le lecteur dans cette Chine féodale, d'un village de paysan à une forêt agréable, en passant par des flots tumultueux. Le lecteur se laisse charmer par les environnements, il se prend au jeu de découvrir le sort d'He Pao. Il s'interroge sur la direction de l'intrigue, sur le thème principal, sur les motivations des uns et des autres, sur le profit que certaines factions souhaitent retirer de leurs actions. Sous réserve de s'adapter à la narration, il découvre un récit adulte, bénéficiant d'une reconstitution historique intéressante, avec des personnages façonnés par leur époque, dans une aventure qui sort des sentiers battus.
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Les voyages de He Pao, Tome 1 : La montagne..

Plutôt intrigante cette He Pao, personnage principal de cette BD. Le fait que je n'ai pas lu la première série où Vink a crée ce personnage ne peut qu'ajouter au mystère.



On sait peu de choses sur elle, à part qu'elle a vécu de grandes douleurs familiales et qu'elle maîtrise apparemment parfaitement les art martiaux. Son origine est trouble: vêtue à la chinoise et parlant parfaitement leur langue, elle a plutôt un physique d'occidentale. Ses réactions sont assez imprévues et son duo avec le petit garçon qui l'accompagne également mystérieux. Elle est censée le ramener à sa mère mais là non plus on en sait pas plus.



L'enquête qui sert de trame à l'album est plutôt intéressante, originale et bien menée. L'utilisation régulière du monde du rêve est également un ressort narratif intéressant pour faire progresser le récit. Et les dessins sont agréables avec des sublimes arrières plans qui tiennent parfois plus de la peinture que du dessin de style BD. Une bonne surprise que ce choix guidé par un challenge, mais qui me donne envie de m'"attaquer" d'abord à la série d'origine pour décider si l'aura de mystère est voulue ou juste due à mon ignorance.
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Le temps perdu

Guillaume est un auteur de bande dessinée. Epuisé par la route de retour après un salon, Guillaume s'arrêt dans un petit hotel sur le bord de la route. Les lieux lui sembelnt étarngement familier mais plus curieux encore, les gravures dans les chambres semblent avori le don de le faire voyager dans un monde étrange : ses rêves.



Il ne faut pas s'arrêter aux premières pages de l'album qui m'ont plongée dans une certaine perplexité devant les évenements complétement loufoques et sans queue ni tête qui se passaient. En même temps les rêves ne sont-ils pas bizarres ? Le scénariste tient par la suite à nous donner des explications rationnelles et objectives qui permet de rester accroché. Même si j'avoue avoir eu un peu de mal à apprécier l'univers onirique proposé.



Niveau dessin il y a un petit côté très adapté à ce thème du rêve. Ces jolies aquarelles aux couleurs pastels ont la douceur d'un songe. Je trouve par contre les attitudes et les visages des personnages très figés.



Quand notre incoscient nous parle à travers nos rêves ....
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Le Passager, tome 1 : La Traversée des nuages

Ce tome contient le début d'une histoire indépendante de toute autre. La première parution date de 2003. Il est écrit, dessiné, et encré et mis en couleurs par Vink (Vinh Khoa), avec l'aide de son épouse Cine pour les couleurs. Il s'agit d'une bande dessinée compte 46 planches. Elle a été rééditée dans Le Passager - Intégrale. Celle-ci comprend également une introduction d'une page rédigée par F'Murrr qui loue la qualité de songe du récit, en indiquant qu'il est impossible de réduire le travail de Vink à une définition



À Sao Paulo, des dizaines de personnes sont rassemblées sur la plage à l'occasion du festival international de cerfs-volants. Un journaliste et son caméraman interviewent Serge, le responsable de l'équipe de France. Une assistante voit Charles, un participant de l'équipe de France, emporté dans le ciel par son cerf-volant. Le journaliste intime à son caméraman de filmer l'homme en train de disparaître dans les nuages. Soudain, Charles réapparaît en tombant en chute libre. Le cerf-volant pique derrière lui, le rattrape, et le remmène dans les nuages. Le journaliste se tourne vers Serge et lui demande si c'est un numéro concocté par le festival. Serge dément formellement l'hypothèse. L'organisateur suspend la manifestation pour l'après-midi et espère de tout cœur que Charles pourra se poser sain et sauf, malgré ces vents violents.



Le cerf-volant continue son vol, au-dessus de la couche nuageuse. Charles reprend conscience avec la sensation d'être dans son lit, mais il s'aperçoit qu'il se tient à un cordage du cerf-volant qui a commencé sa descente. Il fait maintenant nuit, et le cerf-volant vole à quelques mètres au-dessus des flots, passant à côté d'une arche rocheuse avec une énorme méduse bioluminescente à son sommet. Il vole maintenant au-dessus de la terre ferme, et passe par-dessus Grauko, un homme en robe blanche avec couvre-chef, en train de s'adresser à une foule, demandant qui veut venir avec lui, assurant qu'en cinq petits jours sa vie sera transformée. Le cerf-volant passe trop bas, et Charles percute doucement Grauko qui bascule en avant vers la foule. Le cerf-volant finit sa course dans une grande roue, qu'il fait basculer en avant. Cerf-volant, grande roue et Charles tombent à l'eau, et Charles se fait prendre par un tentacule d'un gros monstre marin appelé Batabouf. Ce denier l'avale, ainsi qu'une femme, et ils se retrouvent dans une poche translucide avec vue sur l'extérieur. Finalement Charles et la femme sont recrachés sur la terre ferme où Mija une autre femme, lui tend la main pour l'aider à se révéler. Puis elle le conduit vers une pièce d'eau pour qu'il puisse se rincer, et lui offre un verre d'alcool. Grauko est arrivé sur les lieux e il hurle à Batabouf de recracher le cerf-volant qu'il commençait à avaler.



Impossible de résister à l'attrait d'une nouvelle bande dessinée réalisée par l'auteur de Le Moine Fou et Les voyages d'He Pao. Même si la couverture est assez sibylline, elle présente déjà un travail des couleurs invitant à l'imagination. Vink & Cine utilisent de manière complémentaire à la fois la technique consistant à détourer les formes avec un trait crayonné ou encré, à la fois la technique de la couleur directe. En particulier, les personnages, les vêtements, les animaux, et les principaux éléments de décors sont détourés ; les textures et certaines parties des environnements sont en couleur directe pour donner l'impression qu'ils produisent au naturel. Ainsi le lecteur a l'impression de contempler des nuages et de voir la luminosité changeante dans laquelle ils baignent. Il ressent la granulosité du sable et ses petites dépressions sur la plage. Il éprouve la sensation de la peau visqueuse et boursouflée de Batabouf. Il éprouve la sensation que les brins d'herbe lui chatouillent la peau. Il voit l'eau miroiter sous le soleil. Il voit la poussière de l'atmosphère dans un rai de lumière. Il a l'impression d'entendre le petit craquement des herbes sèches sous ses pas. Cette mise en couleurs participe à part égale avec les traits de contour pour montrer les individus et les environnements. Le lecteur peut se projeter sur cette plage de Sao Paulo, jeter un regard dans la chambre où se réveille Charles, faire une promenade en barque, déambuler dans les rues de la ville, avancer avec précaution dans la forêt.



La narration visuelle emmène donc le lecteur dans un monde entre réalité et rêve, à la fois conforme aux sensations du monde réel, à la fois en décalage, que ce soit les monstres amplifiant un animal réel, ou les individus à tête d'animal. Dès la première page, il est également surpris par les caractéristiques de la représentation des êtres humains : une tête un peu plus grosse que la normale. Cela donne l'impression d'une vision un peu enfantine des individus, comme si l'auteur se focalisait un peu plus sur les visages, pour mieux retranscrire les émotions, pour donner plus d'importance à la personnalité intérieure. De temps à autre, une expression de visage peut être exagérée, par exemple le sourire de circonstance du responsable de la délégation française sur la première page, ou le rictus de l'oiseau CQ étranglé par la cordelette de Charles, mais ça reste très exceptionnel. À la grande majorité, les visages sont ceux d'adultes, avec des émotions filtrées et maîtrisées, ce qui renforce le décalage de la représentation avec des têtes un peu plus grosses. Ce décalage se trouve également dans les différentes situations. Vink peut passer d'une image très prosaïque et ordinaire, à une scène d'aventure, ou dans le registre du merveilleux. Le lecteur éprouve la sensation de se trouver sur une plage ordinaire à regarder les cerfs-volants. Il retient sa respiration quand le cerf-volant s'écrase contre la grande roue dans une scène spectaculaire. Il se frotte les yeux en découvrant 4 personnes passer Charles par-dessus le balcon pour qu'il se rende au petit-déjeuner. L'entremêlement de ces visions de nature différente induit une sensation de conte, voire parfois de rêverie.



Les caractéristiques de la narration donnent une impression de gentillesse. Grauko a beau proposer de transformer les individus en monstre contre leur gré, il n'a pas l'air très efficace, et le résultat n'est pas si traumatisant du fait qu'il s'agit d'une sorte de rêve. Le gros monstre Batabouf qui avale les nageurs le fait en réalité pour le protéger. Les gendarmes sont là pour aider les individus, sans forme de coercition ou de violence. Le danger que représente les eaux bouillonnantes est amoindri par le jeu de mots (bouillonnante pris au sens de qui bout) et par la branche d'arbre providentielle, un cliché des films d'aventure. Le lecteur le ressent comme le fait qu'il s'agit d'un conte où vraisemblablement tout finira bien. Dès la troisième page, il comprend également que les lois de la physique ne s'appliquent pas de manière aussi implacable que dans la réalité, avec le cerf-volant qui fait un piqué pour venir rechercher Charles en chute libre. Charles ne traverse pas le miroir, mais il traverse les nuages, et il éprouve fugacement la sensation d'être dans son lit. Les paysages sont paradisiaques : petite île flottant au milieu d'un large fleuve avec une petite ville de part et d'autre, végétation verdoyante et accueillante. Certains éléments visuels appartiennent à un passé révolu (les uniformes des gendarmes), et un personnage fait observer qu'ici ils parlent en lieues, et pas en kilomètres.



Comme dans tout conte qui se respecte, le lecteur ressent l'inquiétude sourde ou exprimée du personnage principal. Pourra-t-il retourner chez lui ? Risque-t-il d'être transformé contre son gré ? Pour quelle raison son ami Jean ne le reconnaît-il pas ? Quelles sont les intentions des wochitas, cette peuplade absente ? Le lecteur entend bien le malaise de Charles qui mesure petit à petit à quel point son retour est improbable et peut-être impossible, qui découvre progressivement des règles ont il ignore tout et qui s'imposent à lui de manière arbitraire. Il dispose d'une amie Lyzie qui l'aide et le guide, qui lui laisse prendre l'initiative de ce qu'il souhaite faire, de l'endroit où il veut se rendre, mais qui ne comprend pas ses questionnements. Il constate des faits qu'il ne peut pas expliquer, qui semblent sous-entendre un ordre des choses qui n'est pas naturel, voire contre nature : des êtres humains à tête d'animal, l'absence de technologie moderne, des pierres lumineuses qui clignotent… La traversée des nuages et la case où Charles est dans son lit évoquent un songe, une déformation de la réalité soumise aux pensées refoulées, sur laquelle l'inconscient agit. Dans son introduction, F'Murr observe que ce récit présente une consistance similaire à celle d'un rêve : il est difficile d'en saisir les contours ou de s'appuyer sur des certitudes, mais sa logique interne est indéniable et implacable. Charles se retrouve dans un monde déconnecté du sien, duquel il ne peut s'échapper (il ne peut pas regagner le monde normal) et il est confronté à des anormalités. Il est avalé par un monstre, pris en charge par une charmante demoiselle, poursuivi par un individu dogmatique qui souhaite le transformer en révélant son moi véritable, choqué par une enfant dont les dents sont entretenues par des filipilis (des sortes d'insecte), déstabilisé par le fait que son ami Jean ne souhaite pas avoir de contact avec lui, etc. Le lecteur peut y voir autant de questionnements non résolus, de conflits intérieurs en suspens, de ressentis non explicités. C'est comme si Charles était encore en train de traverser les nuages, comme s'il se trouvait encore dans le passage, déjà un peu éloigné de l'état de conscience, mais pas encore pleinement capable de déchiffrer la réalité symbolique qui prend cette forme onirique.



S'il a suivi la carrière de Vink, le lecteur sait en entamant cet ouvrage qu'il peut s'attendre à un récit riche et subtil. Néanmoins, il éprouve la sensation de redécouvrir l'auteur, à la fois pour ses dessins et sa mise en couleurs, à la fois au travers d'un récit simple et facile mêlant aventure et réalité rêvée. Il lui faut un peu de temps, comme au nouveau venu, pour laisser sa lecture s'imprégner, pour laisser son cerveau décanter ces péripéties et appréhender un langage différent qui parle de processus psychiques délicats.
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L'intégrale Le moine fou, tome 1 : He Pao, jo..

Cette critique se rapporte aux deux volumes de l’intégrale du « Moine Fou ».



Le Moine Fou, ou comment faire dix albums de BD sans le personnage qui lui donne son titre… Alors que la dynastie des Song fléchit sous les coups de boutoir des Jin et le lent minage des luttes internes, une jeune fille se retrouve l’unique dépositaire d’un art martial développé par ce fameux Moine Fou. Art martial spectaculaire qui attire les convoitises en ces temps troublés, soit pour se l’approprier soit pour l’annihiler. Mais ce que l’on sait moins, c’est que cet art rendrait fou ses adeptes et, surtout, qu’il contient au cœur de sa philosophie une interdiction de tuer (sous peine de mort pour son adepte peu regardant).

He Pao part donc dans une quête pour trouver l’inventeur de cet art martial, pour mieux comprendre et pour peut-être lever la malédiction de cette folie. Chaque tome relate une péripétie qui lui arrive sur le chemin de sa quête, avec un certain nombre de personnages récurrents qui donnent une continuité au tout.

Un livre sans grande prétention narrative. Les histoires sont simples, voire simplistes, et il n’y a pas de véritable progression ou cheminement personnel de la part du personnage principal. Peut-être est-ce même une erreur d’avoir lu les dix tomes d’un coup. Il est probablement plus indiqué de les lire au gré d’autres lectures, et, plus que de vouloir connaître le fin mot de l’histoire, se laisser emporter par les dessins qui empruntent autant aux aquarelles chinoises qu’aux standards européens. Un livre à lire nous pour voguer sur les mots, mais pour voler sur les traits de crayon et régaler ses yeux.
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Le Moine fou, tome 1

Cette BD nous entraîne à la découverte des aventures de He Pao, dans la Chine des Song (Xème-XIIIème siècle). Celle-ci croise la route d’une bande de fous et d’idiots drogués qui se sont donnés pour mission de déséquilibrer l’empire (les motifs ne sont pas très clairs). Elle voyage avec deux nonnes spécialistes en arts martiaux et en plantes médicinales.

L’intrigue est assez compliquée, avec des personnages pas toujours faciles à reconnaître et des motivations pas toujours claires. L’organisation des cases est très classique avec des graphismes qui ont un peu vieilli (la BD date de 1983).



J’ai cependant été un peu embarquée dans l’intrigue et aimerait bien connaître la suite et en particulier découvrir le moine fou qui donne son nom à la série.

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Le Moine fou, tome 3 : Le Brouillard pourpre

J'ai trouvé cette bande dessinée dans un rayon à la médiathèque mais je ne me doutais pas que c'était le troisième tome d'une série. En effet, même après coup, rien ne l'indique. Bon, en revanche, dès qu'on commence la lecture, on s'en aperçoit. Je trouve les illustrations juste magnifiques, cela ressemble à des estampes japonaises. Si on recherche le résumé des épisodes précédents, on arrive aisément à se remettre dans le bain.







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Le Passager, tome 1 : La Traversée des nuages

Les premières pages m’ont paru totalement incongrues. J’ai non seulement eu du mal à me faire à ce graphisme un peu spécial lié à des visages de personnages disproportionnés, mais également à la tournure de cette histoire située à mi-chemin entre rêve et réalité.



Et puis tout doucement mais surement, je me suis mis à apprécier véritablement le trait du dessin avec les décors de cette île paradisiaque. La colorisation est également très réussie.



Côté scénario, j’ai été intrigué par le mystère lié à ces voyageurs qui échouent dans ce lieu étrange. Cela m’a rappelé un peu L'Autre Monde, une bd tout aussi singulière.



J’avoue avoir pris pas mal de plaisir à cette lecture très agréable qui nous plonge dans un univers imaginaire très fertile. La qualité graphique est au rendez-vous. Le second tome est d'ailleurs sur un ton beaucoup plus sombre et moins enfantin que le premier comme si l'auteur voulait faire une remise en question en nous proposant une version moins commode. Bref, il ne faut pas se fier aux apparences.



Cependant, alors que la fin du second tome laisse augurer une suite avec une mention qu'un troisième volume était prévu, j'apprends que la série a été injustement abandonnée. On ne connaîtra jamais la suite. La fin du tome 2 ne veut rien dire et ne saurait suffire à elle-même.



L'éditeur a produit une intégrale en 2004 intégrant les 2 premiers tomes et a indiqué qu'il ajoutait un épilogue qui clotûre l'épopée. Or cet épilogue ne nous apprend pas grand chose. Cette pratique de l'éditeur ne témoigne pas d'un grand respect pour les lecteurs que nous sommes. Sans doute, les ventes de cette série n'ont pas eu le résultat escompté. Alors, je ne conseille pas l'achat pour une série qui s'est arrêtée aussi brutalement alors qu'elle regorgeait de qualités indéniables.



Cela me fait un peu mal au coeur pour l'auteur qui a fait le plus honnêtement son travail. Bien sûr, aucune explication n'a jamais été donné au lecteur par l'éditeur en question. Très mauvais point pour celui-ci!
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Le temps perdu

"Au kilomètre 51 de la N711, il était un lieu où mon passé et mon avenir se croisaient. Et je m'y étais arrêté par hasard."

La perspective de retrouver les dessins et coloris de Vink (auteur du Moine Fou et des Voyages de He Pao) a été LA raison de ma lecture de cette BD. Aucune déception sur ce point, toujours un trait magnifique et une atmosphère graphique immédiatement identifiable. D'aucuns diront que les traits des visages ne sont pas très flatteurs; je ne partage pas notamment pour Guillaume et Marie.

Un bémol : l'histoire, que je ne trouve pas particulièrement prenante même si surprenante.
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L'integrale Le moine fou, tome 2 : Poussière ..

En résumé, nous 5 tomes décevants.

Certes nous allons rapidement au bout de l'énigme Moine Fou et dans le dernier tome He Pao découvre qui étaient ses parents.

Certes le dessin reste à la hauteur mais cela ne suffit pas à compenser un successions d'aventures classiques et pauvres.

La série aurait méritée d'être condensée en 6 tomes pour garder son rythme, son intérêt et son plaisir de lecture des premiers tomes.



Pour celles et ceux voulant en savoir un peu plus :

Tome 6

Avant de quitter définitivement le monastère, le Maitre du moine fou demande a He Pao de relever un dernier défit : suivre la rivière de l'enfer et traverser ses tourbillons.

Ce sera l'occasion de nouvelles rencontres, de nouveaux dangers à affronter et de poursuivre sa compréhension du parcours du moine fou et de ce qui la retient à elle. Malgré une histoire principalement située dans une grotte, les couleurs sont plus claires et le dessin toujours aussi caractéristique.

Tome 7

Après plusieurs mois de recherche du moine fou en Chine, nous retrouvons He Pao et Ki Ju en Corée qui sont dès leur arrivée présentés au gouverneur Yoo, surnommé le prince noir, amateur d'arts martiaux et qui demande à He Pao de devenir le maitre d'armes de ses deux fils (Bang Song et Yu Shin). Mais ces deux derniers vont prendre la fuite....

Une nouvelle fois la vengeance sera moteur de bien des rencontres surprenantes.

Tome 8

Nous retrouvons He Pao avec Petit Li, rencontré lors de son arrivée en Corée. He Pao a accepté de raccompagner l'enfant auprès de sa mère après la mort de son maitre Cho. Alors qu'ils passent quelques jours à côté d'un village de pêcheurs, ils vont devoir aider une jeune femme et son bébé en fuite. En effet la coutume veut se le dernier né soit sacrifié pour préserver le village des malheurs de la mer....

Poison, aigreur sont au coeur de l'histoire

Tome 9

Le tournoi des licornes, He Pao et Petit Li vont tenter de le gagner mais c'est sans compter sur ceux cherchant encore à neutraliser la seule détentrice du savoir du moine fou....

Tome 10

Dernier tome, nouvelles rencontres et nombreuses rencontres pour He Pao. Elle va découvrir qui étaient vraiment ses parents, le tout sur fond de batailles entre des marchands et des pirates.

Encore une histoire assez fade mais des dessins toujours impeccables.
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Sur la route de Banlung : Cambodge 1993

Cette oeuvre est auto-biographique. En 1993, le Cambodge organise des premières élections démocratiques. Jacques Rochel est missionné par l'ONU pour préparer l'évènement depuis Ratanakiri, une province cambodgienne proche du Vietnam. Cette région est tristement célèbre pour être le berceau des khmers rouges.



Pour rappel, les soldats de Pol Pot ont tué près de 1,5 millions d'habitants entre 1975 et 1978. C'est l'entrée des soldats vietnamiens en décembre 1978 qui a mis fin à l'un des plus tragiques génocides des temps modernes. Or, en 1993, les khmers rouges n'ont malheureusement pas totalement disparu et ils sévissent.



Il est dommage que ce one shot sur un sujet aussi intéressant soit aussi froid et insipide. Le traitement aurait pu être différent et sans doute apporter plus de choses. Un rythme très lent aura fini par parachever l'impression de vide qui se dégage après lecture. Et puis, je n'accroche décidément pas au dessin de Vink avec des cases vides de détails et de décors.
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Le Moine fou, tome 5 : Le monastère du miroir..

He Pao a quitté le col du vent et le pic de la foudre avec 6 autres personnes : 3 moines dont un se prétend être le maitre du moine fou (Zhou Li), 2 clientes de l'auberge dont une Mei qui se dit être sa fille, et Ténèbres Extasiées rencontré sur le pic de la foudre, qui semble maîtriser les arts martiaux comme He Pao. Tous se dirigent vers le monastère du Miroir Précieux, sanctuaire des grands et petits dieux ou Zhou Li fut initié.

C'est donc dans ce monastère que va nous être révélée toute l'histoire du moine fou (son errance et ses actes de guerre après avoir été chassé du monastère) Vont se dérouler des discussions entre les moines pour savoir s'il convient ou non de mettre fin aux jours de He Pao considérée par certains comme la réincarnation du moine....

Un tome qui redonne un élan à l'histoire en clarifiant la position des uns et des autres.
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Le Moine fou, tome 3 : Le Brouillard pourpre

3ème tome de transition dans la poursuite des aventures de He Pao.

Nous la découvrons au début d'un long voyage après son départ de la vallée encaissée dans laquelle elle a été élevée par des nonnes. Celle que l'on va rapidement nommer La Diablesse va être amenée à sauver toute une ville assiégée par des barbares.

Elle fera la rencontre d'un bonze, un certain vénérable Zhang, passionné de vins, de femmes et d'arts martiaux.

Vivant une vie tranquille au sein de cette ville, entouré de femmes, il va côtoyer He Pao et constater son art du combat "sublime, d'une perfection quasi inhumaine". Elle semble invincible devant les barbares et lui comprend vite qu'elle doit tenir son secret du fameux moine fou, pour qui l'art martial ne tolère aucune tuerie, toute transgression pouvant s'avérer fatal, conduire à la folie.....

Le dessin et les couleurs sont toujours éblouissants, précis, donnant un impression d'aquarelle à chaque page. Le scénario est moins dense que dans les tomes précédents mais il a vocation à poser les bases de la suite....
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Le Moine fou, tome 1

Surtout ne vous fiez pas aux 12 premières pages!!! Elles risqueraient de vous convaincre de ne pas terminer ce Tome 1, base des 9 tomes à venir!!! et donc de passer à côté d’une superbe histoire!!!

Vînk nous propose ici de découvrir la vie en He Pao, jeune fille, ayant grandi comme un petit barbare au sein de son village. Après la mort de ses parent adoptifs, elle va fuir ses ennemis et sera recueilli par des nonnes qui vont lui proposer de lui faire son initiation à la philosophie, à la médecine, aux arts martiaux.... nous sommes entre 960 et 1250, en plein cœur de la Chine féodale

dans une ambiance assez mystique où la folie côtoye la sagesse, la rage meurtrière de certains la recherche de l’équilibre par d’autres. Les dialogues et dessins sont d’une vraie finesse et très abouties. Le lecteur ne peut que se sentir totalement immergé auprès des personnages au sein du Mont des nuages colorés.

Incontournable (existe en intégrale)
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Le temps perdu

Une espèce d'Alice au pays des merveilles vécue par un auteur de bd : pourquoi pas même si ces quelques pages un peu absurdes me semblent tourner en rond. Le graphisme toujours très délicat de Vink mais parfois un peu raide me déroute un peu sur un tel scénario. Bref, pas vraiment convaincu même si le tout se lit sans déplaisir.
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