Une salope, c'est une fille dont on critique les mœurs mais qu'on a le fantasme d'avoir à son tour dans son lit. Jean-Marie Bigard est du même avis : si la salope est sur toutes les lèvres, c'est qu'elle n'est pas dans le lit de ceux qui la nomment. "Dans la bouche d'un homme, la salope est le révélateur d'une frustration car il va parler d'une femme dévergondée mais qu'il ne peut pas avoir."
On peut également s'attarder sur les suffragettes, les militantes de la Women's Social and Political Union, une organisation créée en Grande-Bretagne en 1903 sous l'impulsion d'Emmeline Pankhurst et de sa fille Christabel, venues des milieux travaillistes, pour revendiquer le droit de votes des femmes. Quinze ans de lutte acharnée par le biais d'action coup de poing. En effet, après des décennies de combat pacifiste sans aucun résultat, Emmeline donne une dimension plus musclée au militantisme féministe britannique. Les suffragettes provoquent alors des incendies, s'enchainent à des lampadaires ou aux grilles du Parlement, coupent les fils du télégraphe, caillassent des voitures de ministres, en agressent certains, crachent sur des policiers, entament des grèves de la faim. Elles sont alors nourries de force (...) Malgré tout, elles continuent de sortir dans la rue pour mener leur combat, et elles s'en prennent plein la figure. « La présence dans la sphère publique est un élément clé de la transgression dans une société qui voudrait maintenir les femmes dans la sphère privée. C'est ce que font les anti-féministes dans leur imagerie : ils ramènent les féministes à la maison et réduisent le conflit politique à l'éternelle mésentente conjugale. L'espace de prédilection des suffragettes est donc la rue, avec ou sans autorisation. Elles y vendent leurs journaux, distribuent leurs tracts, y mènent des actions d'éclat. L'épreuve de la rue suppose courage et sang-froid : leur présence provoque des réactions agressives, des insultes, des paroles obscènes, des gestes déplacés », explique Christine Bard. (pp.86-87)
C'est au contraire parce qu'elles s'emparent des codes masculins qu'on leur en veut. Selon Julia Tissier, « on ne leur pardonne pas d'être libres. Les femmes politiques incarnent la liberté, occupent un poste de pouvoir, prennent la parole. On les traite de salope pour les rabaisser, pour les ramener à leur sexualité, qui n'a aucun rapport avec leur fonction. »
Il me parait donc d'autant plus essentiel de s'affranchir des jugements que l'on nous impose et que l'on s'impose soi-même.
On traite les femmes de salopes pour les faire taire, leur faire comprendre qu'elles ne sont que des femmes et qu'elles doivent fermer leur gueule.