_Ce n'est rien Marie. Mais je vous en prie ne mourrez pas. Résistez. J'ai trop besoin de vous.
Il l'obligea à la regarder, mais elle n'avait plus la force de soutenir son regard de braise.
_J'ai trop besoin de vous aimer et d'être aimé par vous Marie...
Ses larmes inondèrent les cheveux de la jeune femme. C'était la première fois que quelqu'un voyait le comte Dracula pleurer.
Il se leva et esquissa quelques pas mal assurées en direction d'une chandelle, puis fouilla dans sa poche. Depuis quelques jours, comme un pressentiment, le parchemin usé ne le quittait plus. Il avait vraiment cru que son calvaire d'angoisse allait cesser grâce à la naissance de son enfant. A présent, il n'était plus sûr qu'il y ait un enfant un jour. A cette pensée, son cœur endurci se serra.
Lorsqu'il serait détruit, tous les vampires disparaîtraient. Après tout, le monde en serait soulagé. Plus personne ne serait là pour pleurer cette race. La malédiction serait levée...
Il froissa les deux fragments de parchemin et les jeta à travers la pièce. Qu'importaient ses vassaux ! C'était lui, le seigneur. Seule sa volonté comptait !
Il voulait un enfant de Marie parce qu'il en avait besoin. Parce qu'il avait besoin d'aimer...
Dracula était simplement marqué par ses siècles de non-existence. Privé de toute vie, son teint avait pris la transparence de la mort. L'obscurité à laquelle il était condamné avait donné à ses yeux la couleur ténébreuse de l'espace entre les étoiles, son regard paraissait aussi dénué de vie qu'un ciel d'hiver. Enfin, ses traits figés semblaient avoir été copié sur un gisant de marbre.
Les éminents psychologues de l'époque auraient sans doute diagnostiqué chez lui une carence affective profonde, doublée d'un déficit indéniable dans la capacité à exprimer ses sentiments. Les dépressifs ressemblaient étrangement aux vampires!
Il était tombé amoureux de celle que le destin lui avait réservée...
Les belles lettres avaient été tracées avec soin, à l’aide d’une plume de paon. Le vampire jeta un coup d’œil en arrière pour vérifier une nouvelle fois qu'il était bien seul. Il serra le parchemin contre lui et s'enfonça dans l'ombre de la bibliothèque, devenant presque invisible. Il approcha la face écrite du papier de ses narines et inspira longuement. Le sang d'une vierge... Son préféré... Rien n'était plus goûteux, plus suave, plus délicieux que le sang d'une vierge...
- Je ne vous offrirai jamais rien, répliqua-t-elle. Jamais rien.
- Je n'ai pas besoin qu'on m'offre quoi que ce soit. Je saurai me servir.