Là-bas, dans le Nord, j’avais ouvert les yeux sur une vérité à laquelle je n’avais pas été confrontée durant une partie de mon existence. Bienvenue dans la réalité, Sarah Logan ! Les fils d’ouvriers manquaient la classe et n’étaient jamais scolarisés longtemps ; l’avenir des filles était pire. Tous ces enfants connaissaient la faim. Ils commençaient à travailler jeunes, accompagnant leurs parents qui, pour tromper l’angoisse et la malnutrition, consommaient souvent de l’alcool, et du laudanum facile à obtenir.
Toutes des agitatrices, les Pankhurst et leurs amies ! Les droits des femmes, quelle ânerie à la mode ! Bientôt, les hommes porteront des jupes et devront rester à la maison s’occuper des marmots, aussi ? Pour ma part, je m’en réfère aux paroles de sa Majesté la Reine1 il y a déjà moult années : les féministes ne dureront pas, c’est évident, car les dames ne peuvent se passer de la protection des messieurs. C’est ainsi, c’est la loi naturelle !
À table, tous et toutes se taisaient, les visages plus ou moins fermés, de couleurs différentes.
Sous leurs pas, le sol de pierres brutes résonnait en une symphonie lugubre. Des traînées de moisissure rampaient le long des parois humides. Leurs ombres difformes se dessinaient sur les murs, telles des créatures tapies dans l’obscurité. Un goutte-à-goutte persistant battait. On aurait dit le cœur d’un être malfaisant.