« Les mères arpentent l'imaginaire de leur enfant, s'y promènent, y sont des personnages récurrents, insaisissables, apparaissent ici et là en filigrane, s'échappent soudain pour resurgir plus loin. »
On entendait les grillons et ça, ça la faisait encore rêver. La promesse du chant des grillons. Ne rêver à rien de précis, c'était juste doux. Doux et prometteur. La vie pouvait avoir cette douceur de miel qui coule dans la bouche.
Elle décida aussi d’ouvrir un nouveau pot de confiture. Elle les passe tous du doigt en revue, après avoir soulevé le rideau voilant l’intérieur du placard. Abricot, Framboise, Groseille … Ce sera Rhubarbe ! Elle avait envie d’acidité sur sa langue. Elle remit aussi de l’eau à chauffer et dégusta ses tartines debout en faisant des allées et venues devant la fenêtre. Le chat arriva miaulant à la porte. Elle alla lui ouvrir et s’assit sur le perron. Le vent se calmait, le soleil dardait ses rayons avec de plus en plus d’entrain.
Elle ferma les yeux, assaillie. Et elle perdit pied. Elle était dans l'océan, l'eau salée dans sa bouche, tourneboulée par les vagues, un coup sous l'eau raclant le fond, le sable, un coup à la surface portée par un rouleau. Puis elle replongeait puis ... Si elle se noyait tant pis.
« Nous étions au moins trois. Trois sur un iceberg perdu. Un îlot sous l'égide des femmes. Femmes fortes, femmes frêles et fragiles, femmes bonbons et femmes dragons, femmes dociles et indomptables, femmes énervantes et énervées, femmes qui tombent et qui tiennent, femmes qui résistent, entêtées, femmes tyrans et femmes truands, femmes éperdues, femmes blessées, femmes qui tancent, rudoient, femmes héroïnes et femmes fantasques, femmes aveugles et sourdes, femmes mystiques, femmes burnées, peureuses et courageuses, femmes opiniâtres. »
« Je garde un phare magnifique, celui de mes enfants. Un jour je les verrai quitter le port pour aller plus loin encore. Un jour, mon phare tournera à vide. Mais jamais pour rien. Il sauront que quelque part en mer, veille ce pillier étrangement dressé, bravant tempêtes, dangers, mers plates comme l'ennui, pour toujours rendre disponible la lueur en leur coeur. »
« Que c'est fragile une famille tenant sur l'amour, que c'est vertigineux, que cela fait peur. Quel prodige !
« Ils partagent le secret de mon ventre, caverne vibrante, gravé en eux, inéluctable. Le même début, le même paysage, le même corps pour prendre racines. Le même chemin pour naître à la vie, sortir, se déployer, grandir. La filiation, puissante, gravée là on ne sait où, au coeur des chairs. »
« Magie de ce corps qui se transforme si bien, si vite, qui s'adapte, contient, se plie, se déplie, s'ouvre, filtre, donne et reçoit, qui palpite, frémit en recevant et accueillant la vie. »
« Mon enfant ne m'appartient pas, il me traverse et me transcende. »