Ensuite, tous les hommes et tous les enfants revêtirent leurs beaux habits tout neufs, et ils se dirigèrent vers l'endroit où on allait réciter les prières de l'Eed. Entouré par ses fils et ses petits-fils, Mir Nihal rayonnait de bonheur. Il s'était coiffé d'un turban dont les plis serrés couvraient en partie un de ses yeux. Et avec sa veste en coton très fin, son pantalon bien coupé, ses souliers raffinés et sa majestueuse barbe blanche, il avait une allure superbe. Tandis que les enfants gambadaient autour de lui, on voyait ses joues frémir de plaisir et ses yeux étinceler de joie.
Mais toi qui voyages sur le chemin de l'amour,
Ne t'abandonnes jamais à la lassitude,
Dans le désert, plus le but est lointain,
Plus la joie est intense à l'arrivée.
On balaya soigneusement la maison, et on recouvrit de draps blancs les banquettes en bois ; on envoya chercher au Bazar un assortiment de friandises, et presque aussitôt après les prières du soir on alluma deux grosses lampes, que l'on plaça de part et d'autre d'un petit tapis étalé sur la banquette principale, avec un traversin juste derrière. On fit brûler de l'encens et de la myrrhe, on remplit d'eau de rose des flacons au long col, et on disposa sur un plat des fleurs de jasmin fraîchement coupées.La fumée odorante s'éleva dans les airs et se mêla au parfum des fleurs; elle remplit la maison de ses effluves sacrés et inspira à chacun un profond sentiment religieux.
Quand ils eurent terminé, le serviteur de Nawab Puttan lui apporta son narguilé : l'objet se composait d'un long tuyau flexible, d'un flacon en émail noir et blanc qui contenait l'eau aromatisée, et d'un fourreau en nickel dont le couvercle ajouré s'ornait de chaînettes en argent qui pendaient tout autour. L'extrémité du tuyau était en argent massif, et une guirlande de jasmin fraîchement coupé s'y enroulait. Nawab Puttan se mit à fumer tranquillement, l'air satisfait et heureux.
Ce fut le cœur lourd que Mir Nihal rentra chez lui, pénétré du sentiment de la vanité de toutes choses et du caractère éphémère de l'univers. Cependant, immenses sont les ravages causés par le Temps, et personne ne peut rien contre sa puissance indomptable. Les rois meurent, et les dynasties tombent. Des siècles passent, des éternités passent. Mais jamais un sourire ne vient éclairer l'impénétrable visage du Temps.