AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Alain Brossat (4)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Ce que peut le cinéma

Des irruptions de manifestations extraordinaires du désastre



Je ne connais pas le cinéma de Jean-Gabriel Périot. Cinéphile/cinéphage, je peux néanmoins en imaginer certains éléments au gré de ces conversations. Mais là ne me semble pas le plus important.



Alain et Jean-Gabriel (ils apparaissent sous leurs prénoms dans leurs échanges) discutent des images, du cinéma, de la mémoire, de certains événements, de philosophie, donc de politique.



Quelques éléments choisis subjectivement.



Les femmes tondues de la Libération, un livre d’Alain et un film de Jean-Gabriel « en faux contre l’approche déplorative et victimiste habituelle, volontairement ou involontairement exhibitionniste aussi, de cette question ». Ce que peut dire l’écriture ou l’agir cinématographique, l’imaginaire modelé et les éléments de la réalité.



Le cinéma « politique », le déploiement des techniques cinématographiques, les constructions et les coutures comme affirmation d’une subjectivité, les trouées dans notre quotidien, l’acte de filmer et celui de montrer, le saisissement d’un trait d’époque, la part d’ombre résiduelle, les nouvelles formes d’appropriation des images mouvantes, « la télévision n’est pas un espace d’autonomisation du spectateur ». Regarder au cinéma c’est lever la tête…



Le générique, celles et ceux qui n’accèdent pas à la « dignité » du nom, une liste n’est pas un ensemble, celles et ceux qui ont été repoussé·es dans l’ombre, la politique des noms, les caractères d’affiche et le fétichisme…



Histoire, Auschwitz, le point de non-retour, la catastrophe a une histoire, des films comme résistance aux « temps brisés », le montage en séries d’images isolées, le vide de l’espace et la torsion du temps, la violence et « le « cœur noir » que les images cachent, que ces images taisent », aller chercher ce qui se tapit en chaque image…



Violences des images, images de la violence, Hiroshima et les femmes tondues de la Libération, Marguerite Duras et Alain Resnais, Hiroshima mon amour, nos parts de monstrueux, ce qui nous enferme dans la position de la/du spectateur/trice, la dépolitisation des situations et l’instauration d’un principe d’équivalence généralisée… Je souligne l’intensité des dialogues, la force des réflexions politiques. « Aucun cadavre ne peut « écrire l’avenir », il ne concerne que le présent ».



Contre l’« hollywoodisation » de l’acte de tuer, la nécessaire mise en abyme de ce qui apparaît toujours pour une part incompréhensible. Nous ne voulons pas voir le cœur barbare de notre modernité, la puissance meurtrière d’un système de valorisation du travail mort, les productions de terreur réglées et démonstratives.



La sidération nous empêche de penser la politique, les faces noires des imaginaires collectifs, les moments d’effondrement des normes, les dimensions mortifères…



Les corps au travail, les corps résistants, les traits structurels de la démocratie étasunienne – raciste et suprémaciste. La violence omniprésente dans les rapports sociaux, les dominations et l’exploitation, ces « choses avec lesquelles nous ne saurions composer, dont nous ne saurions nous accommoder »…



Ce qu’il en est des possibles avec le cinéma, ce qui peut se voir, ce qui devient signifiant, « un lieu dans lequel un geste peut advenir », des moments où l’on se laisse happé·e et où on peut s’oublier, « le réel n’est pas réductible à des images ». La puissance émancipatrice permise par des rêves éveillés, la transformation d’un regard ou d’un geste en promesses, ce qui agit sur notre manière de nous projeter…



Les vaincu·es de l’Histoire, les espaces pour penser par soi-même, le film comme « objet lacunaire », les regards sur ce qui pourrait se tapir à l’ombre de cette histoire que certains voudrait achevée, la production de l’enfer sur terre, « nous vivons dans et non après Hiroshima, comme nous vivons dans et non après Auschwitz ».



J’ai particulièrement été intéressé par le chapitre « Hiroshima et ses fantômes », les dialogues sur ce que pourraient être les survivant·es, la transmission des récits, le négationnisme historique, l’élimination industrielle, les tentatives maladroites de formulation des « conditions nécessaires pour que des catastrophes et leur mémoire puissent ouvrir sur l’impossibilité qu’elles se reproduisent » et la compréhension de pourquoi cela ne nous ne prémunie « contre aucune de ses reprises », la responsabilité « qui se situe au cœur de la dimension politique, dans le présent, des crimes d’Etat », la nécessité de « se tenir à la hauteur du crime dont on a hérité sans en être coupable », la lutte pour la reconnaissances des crimes historiques, la mémoire du passé comme adresse aux vivant·es…



Désespérer ne sert à rien. C’est de plus, quelque part, indigne de l’espérance enfouie au cœur des actions humaines…



Des conversations pas du bavardage. Une invitation à penser, à ouvrir « des brèches dans les murailles, les tours et les donjons de l’ordre administré ».
Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          40
Le yiddishland révolutionnaire

« En 1983,il était encore concevable d’écrire un livre à propos du monde juif d’Europe orientale au XX ème siècle, appréhendé dans sa conditions historique, et qui s’organise autour du signifiant majeur révolution et non point Shoah… » Les auteur-e-s, dans la préface de cette nouvelle édition, soulignent que d’une manière infiniment troublante, les conditions mêmes de l’énonciation à propos des ”objets” qui sont traités dans ce livre, ont changé, se sont déplacés « Leur monde est devenu énigmatiques aux yeux de l’immense majorité de nos contemporains. »



L’histoire du mouvement ouvrier, du mouvement ouvrier juif, de ses organisations (Bund, Poale Zion de gauche), ou des organisations dans lesquelles le peuple des shtetl et des villes, ces ouvriers et artisans juifs se sont regroupés (mouvement communiste) fut riche de multiples pratiques et débats.



Que reste-t-il des polémiques sur la question nationale juive. Car, comme le rappelle les auteur-e-s une telle question était d’actualité (en particulier les développements du BUND autour de la question nationale extraterritoriale), comme partie intégrante d’un internationalisme concret et non d’une mythique construction sioniste. Je partage les critiques avancées contre Rosa Luxembourg et les dirigeants bolcheviques et leurs incapacités à saisir les aspirations de ces composantes juives du mouvement ouvrier.



En six chapitres, Alain Brossat et Sylvia Klingberg font revivre non seulement les combats du siècle, révolution, guerre d’Espagne, résistance au fascisme, espoirs dans une nouvelle société, à travers les récits de rescapés juifs. Mais ils nous rappellent, la place des membres du Yiddishland dans toutes ces histoires.



Destructions des juifs d’Europe par les nazis, anéantissement d’un espace social, culturel et linguistique, de ses organisations sociales, trahisons et assassinats lors des combats. Les défaites, lorsqu’il était minuit dans le siècle, furent aussi les défaites pour ces acteurs, et non des victimes passives comme le voudrait une certaine tradition du judaïsme.



Six chapitres pour ne pas oublier la violence du fascisme et du stalinisme, la force de l’espérance et la destruction sans retour du Yiddishland : « Dans l’immensité salée des larmes humaines », « Autour de notre drapeau, groupons-nous ! », « Le ciel d’Espagne », « Silencieuse est la nuit étoilée », « Le chant de la révolution trahie » et « Je suis las des défaites ».



Cette réédition d’un livre parue en 1983 permettra, je l’espère, à de nombreuses et nombreux jeunes lectrices et lecteurs, de prendre connaissance d’un pan de la réalité du continent européen aujourd’hui anéantie, d’un pan oublié de l’histoire du mouvement ouvrier et d’un pan de l’histoire juive déniée. « … ce fil juif et rouge, traversant les sept cercles de l’enfer de notre histoire, nous conduit tout droit aux allées et boutiques obscures de notre époque, à l’absurde, l’illogique, au déraisonnable, à l’irrationnel de ce temps ; à ce bégaiement de l’histoire qu’aucune raison, aucun bilan, aucun discours a posteriori, aucune dissection du passé ne parviennent à épuiser, apprivoiser, réduire à l’état de passé-objet. »



Dans ce livre, le lyrisme des auteur-e-s permet de donner présence au souffle de l’espérance de ces hommes et femmes acteurs et actrices de leur histoire, de l’histoire, de faire revivre leurs engagements.



Appréhender ce Yiddishland, n’est pas seulement rendre mémoire aux vaincu-e-s de l’histoire et ne pas « congédier les fantômes » qui, de Varsovie à la Kolyma, d’Albacete à Auschwitz, viennent à notre rencontre. C’est aussi ouvrir les fenêtres sur « L’étonnante actualité de ces récits diffractés ».



Ressurgit de ma mémoire le phrasé de quelques mots yiddish compréhensibles, de cette langue qui pourrait bien disparaître, de ce patrimoine d’un passé/futur non encore advenu.



Comment alors ne pas conseiller en lectures adjacentes :



Anthologie de la poésie Yiddish, le miroir d’un peuple, édition de Charles Dobzynski, réédition en 2000 dans la collection Poésie Gallimard



Rachel Ertel : le Shtetl, la bourgade juive de Pologne, Payot 1986



Claudie Weill : Les cosmopolites, socialisme et judéité en Russie (1797 – 1917), Syllepse 2004



Moshé Zalcman : Histoire véridique de Moshé, ouvrier juif et communiste au temps de Staline, Encres 1977



et l’ouvrage de Nathan Weinstock : Le pain de la misère , histoire du mouvement ouvrier juif en Europe, 1984, réédité à La découverte
Commenter  J’apprécie          40
Bruno Dumont ou le cinéma des Z'humains

Qu'est-ce qui rend si singulier le cinéma de Bruno Dumont ? Qu'il ait migré de la philosophie au cinéma, créant ainsi un trouble entre les « genres » et à propos de la réelle fonction du cinéma ? Ou bien est-ce le fait que ses films oscillent entre animalité et grâce ? En tout cas, la particularité de ce cinéaste tient à ce qu'il construit une oeuvre, perpétuant la tradition d'un cinéma d'auteur qui est aujourd'hui bien perdue. La conquête de la vérité sur la vie des hommes passe chez lui par une réappropriation de la langue. Les articles qui composent cet ouvrage ont été rédigés par des spécialistes de Bruno Dumont, qui ont en commun de penser que son cinéma nous rend meilleurs en nous donnant à sentir et penser.



Biographie de l'auteur :
Commenter  J’apprécie          20
Le plebéien enragé

Qu’est-ce qu’un plébéien, sinon celui dont des gestes déterminés prononcent un non décidé et définitif à sa position de subalternité ?
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Alain Brossat (67)Voir plus

Quiz Voir plus

Jeu du vrai ou faux [44. Onomatopées animales]

1. Le son caractéristique des congénères réels de Woody Woodpecker est «pic! pic! pic!».

VRAI
FAUX

10 questions
54 lecteurs ont répondu
Thèmes : animaux , onomatopées , sons , bruitCréer un quiz sur cet auteur

{* *}