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Critiques de Alain-Kamal Martial (2)
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Zakia Madi la chatouilleuse

Avertissement de l’auteur : « Cette œuvre n’est pas un témoignage d’historien et encore moins la défense d’une idéologie politique quelconque. Je parle à l’extérieur de la politique et de l’histoire, c’est en tant qu’homme que j’écris et c’est de l’intérieur de mon indignation que je crie. » (p. 11) Alain-Kamal Martial est un homme d’honneur, un digne héritier des combats de ses aïeules et un Mahorais épris et fidèle à sa terre.



Une commune de Mayotte. Alors que Monsieur le Maire essaie de convaincre sa seconde épouse d’entrer dans le lit conjugal afin de consommer l’union, la première épouse se révolte contre la polygamie, cette « douleur viscérale qui cisaille nos intestins de mère et d’épouse. » (p. 36 & 37) Premier objet contre lesquelles hurlent les Mahoraises, la domination des hommes. « La phallocratie a fait de nous des tiers-humains, nous les femmes, nous devons remonter vingt et un siècles de déshumanisation parce que la phallocratie nous a volé deux tiers de notre humanité. » (p. 39)



Second objet de révolte, la destruction du cimetière Mangamagari à des fins immobilières véreuses. Les esprits des femmes enterrées là crient à la profanation et investissent les corps des vivantes. Furaha, la jeune épouse du Maire est possédée par l’esprit de Zakia Madi, célèbre chatouilleuse assassinée le 14 octobre 1969 sur la jetée de Mamoudzou. « Laisse-la prendre mon corps pour qu’elle dise au monde entier sa douleur, la douleur de notre île. » (p. 52) À travers le corps de Furaha, le fantôme de Zakia Madi demande justice pour Mayotte et dénonce la corruption en costume-cravate : « Vous vous laissez acheter, vous vendez votre terre et sa mémoire et vous osez parler de progrès et de développement là où les inégalités génèrent le paupérisme, la misérable vie de vos administrés. » (p. 87) Que font ces femmes investies des esprits des chatouilleuses ? Elles chatouillent ! Et leur pouvoir est plus puissant que celui des hommes.



Cette pièce de théâtre ne souffre d’aucun temps mort. J’y ai retrouvé ce qui fait la particularité de Mayotte : des voix féminines puissantes, une corruption à la solde des Blancs et des riches et une forte culture orale. Les propos en mahorais ne sont pas traduits, mais les injures, quelle que soit la langue, ont le même sens… La pièce d’Alain-Kamal Martial est un bel hommage aux femmes, une mise en accusation des pratiques politiques et un cri d’amour pour la richesse culturelle et historique de Mayotte. Je commence à être amoureuse de cette île moi…



Zakia Madi a réellement existé. Promptement enterrée après sa mort, elle est de ces victimes dont la mort reste impunie. Son unique crime ? Avoir été une chatouilleuse, comme le fût l’illustre Zena M’déré, première chatouilleuse de Mayotte. « La chatouille » est une pratique féminine importée de Madagascar : les femmes ne frappent ni n’injurient les politiciens, mais elles les chatouillent jusqu’à leur infliger un rire de mule qui leur reste coincé dans la gorge. C’est ainsi que les Mahoraises ont obtenu que Mayotte reste française et ne rejoigne pas l’Union des Comores en 1976. Mayotte est devenue département français depuis mars 2011 : la République française a de nombreux et d'urgents chantiers à conduire pour se rendre digne de cette île magnifique.

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Papa m'a suicider

Un grand cri de souffrance.



Une jeune fille doit se marier avec un homme choisi par ses parents. Pendant les préparatifs de la nuit de noce, la chambre doit être d'un blanc immaculé alors que « [l]es vieilles femmes sont dans la cour depuis un moment maintenant à attendre le sang de la fiancée pour chahuter les cris d'honneur des entrecuisses purs. ». Mais, les sœurs de la mariée retrouvent sur les murs des écrits couleur sang. C'est le cri d'une femme abusée face au silence de sa mère et aux crimes de son père.



De son théâtre, l’auteur dit qu’il constitue un retour vers l’« oraliture », un mélange d’oralité et de littérature dans lequel se rencontrent images traditionnelles et modernité. Cette pièce est bel et bien portée par une appropriation toute particulière de la langue qui exprime magnifiquement la violence d’un cri que les uns ont voulu étouffer et que les autres n’ont pas entendu. Ainsi, sa sœur Zaïna lit sur le mur : « Si maman ne veut pas le dire le matin des noces, si maman ne veut pas dire que je n'ai plus le sang de mon entrecuisse, si maman ne veut pas dire que papa a cassé la membrane de mon vagin, si maman ne veut pas dire que papa m'a saignée, je me donnerai ce matin le baiser des ciseaux qui plongent dans la gorge. »



Un texte dur qui aborde des thèmes difficiles et dont le préfacier, Olivier Celik, dit : « Ce texte-là est violent, bien sûr. Il parle d’inceste et il est écrit avec du sang, celui d’une jeune fille, dont la cicatrice ne se referme pas. » Pourtant, le lecteur est emporté comme dans un tourbillon et ne peut se détacher du livre.





Ecouter / Voir un extrait de la pièce…
Lien : http://www.youtube.com/watch..
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