Le chef d'oeuvre de SALGADO. Les photos des 50000 mineurs de la mine Serra Pellada suant dans la boue, les esclaves de l'or exposés dans leur réalité. Des photographies qui ont choqué le monde. La fièvre de l'or sur argentique. Des clichés d'une telle force !!!
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Cet ouvrage a le mérite de traiter, avec franchise, de la vie culturelle française sous l'Occupation.
Certains aspects sont durs : le gouvernement de Vichy, avant toute demande de l'occupant allemand, a édicté un statut des Juifs les excluant de quasiment toutes les activités.
Et que se passa-t-il dans le domaine artistique ? La Comédie Française et l'Opéra se séparèrent rapidement des artistes et employés juifs...Les éditeurs dénoncèrent tous leurs contrats passés avec des auteurs juifs...Comme Fayard avec Irène Nemirovsky, entre autres.
Le Syndicat National des Editeurs offrit de collaborer sous prétexte de maintenir en vie la culture française. Dans un accord signé avec la Propagandastaffel (censure allemande), ce syndicat demandait aux éditeurs de ne pas publier de livres interdits en France ou en Allemagne et d'assumer la responsabilité de chaque nouvel ouvrage publié.
Le Syndicat National des Editeurs soulignait : "Il s'agit de livres qui, par leur esprit mensonger et tendancieux, ont systématiquement empoisonné l'opinion publique française : sont visés en particulier les publications de réfugiés politiques ou d'écrivains juifs qui, trahissant l'hospitalité que la France leur avait accordée, ont sans scrupules poussé à une guerre dont ils espéraient tirer profit dans leurs buts égoïstes."
Cette dernière phrase fait penser au sketch de Pierre Desproges dans lequel il précisait que les Juifs avaient déclaré la guerre à l'Allemagne nazie. Chez Desproges, c'était de l'humour...
Pour les éditeurs français sous l'Occupation, un auteur comme Stefan Zweig empoisonnait l'esprit des Français...
Et l'auteur d'ajouter suite à cette notification du Syndicat National des Editeurs :
"Pour leur part, les nazis étaient ravis : sans cette autocensure, il leur aurait fallu une véritable armée d'experts parlant français pour examiner des milliers de manuscrits."
Et Jean Giraudoux, qui dans cinq conférences, s'est exprimé sans ambiguïté :
"Des centaines de mille Askenasis échappés des ghettos polonais ou roumains, parmi les étrangers, grouillant sur chacun de nos arts ou de nos industries nouvelles ou anciennes, dans une génération spontanée qui rappelle celle des puces sur le chien à peine né."
Un des rares écrivains, à se tenir en retrait pendant l'Occupation, fut Jean Guéhenno qui ne transigea jamais.
Après le discours de Pétain du 17 juin 1940 proposant l'Armistice, il écrivit :
" Je ne croirai jamais que les hommes soient faits pour la guerre. Mais je sais qu'ils ne sont pas faits pour la servitude."
Lorsqu'il entendit de Gaulle lancer son appel du 18 juin, il nota :
"Quelle joie d'entendre, dans cet ignoble désastre, une voix un peu fière."
Sur les écrivains sous l'Occupation, voici sa pensée :
"L'espèce de l'homme de lettres n'est pas une des plus grandes espèces humaines. Incapable de vivre longtemps caché, il vendrait son âme pour que son nom paraisse. Quelques mois de silence, de disparition l'ont mis à bout. Il n'y tient plus. Il ne chicane plus sur l'importance, le corps du caractère dans lequel on imprimera son nom, sur la place qu'on lui donnera au sommaire. Il va sans dire qu'il est tout plein de bonnes raisons. Il faut, dit-il, que la littérature française continue. Il croit être la littérature, la pensée françaises, et qu'elles mourraient sans lui."
Les Français fréquentaient beaucoup le cinéma pour un moment d'évasion...et pour avoir un peu chaud, compte tenu des restrictions des charbon.
L'auteur rappelle ces films merveilleux, tournés dans de mauvaises conditions et avec très peu de moyens, comme "Les Enfants du Paradis".
Les autorités grincèrent des dents à la sortie du "Corbeau" (ayant échappé à la censure), qui traitait de lettres anonymes...à un moment où un nombre monumental fut envoyé, la délation étant un acte civique sous l'Occupation.
Alan Ridding nous parle d'une Coco Chanel fréquentant, avec assiduité et plaisir, les milieux allemands et collaborationnistes.
Il rappelle également le sacrifice de certains, comme l'écrivain Jean Prévost qui trouva la mort dans le maquis du Vercors.
Un livre intéressant et utile qui porte un regard éclairant sur un moment de la vie artistique française, assez glauque par certains aspects.
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Sebastiao Salgado a attendu 6 ans avant d'être autorisé à faire un travail photographique en 1986 sur la mine d'or de Serra Pelada, alors que beaucoup d'autres avaient fait des reportages précédemment (en couleurs). Il a choisi le noir et blanc alors que la presse et les éditeurs étaient concentrés sur la photo en couleurs. Ce fut une révélation et le début de la reconnaissance du noir et blanc comme moyen d'expression majeur.
Aujourd'hui cette mine est abandonnée depuis longtemps, les reportages en couleur sont oubliés, il nous reste les photographies de Sebastiao Salgado, un témoignage bouleversant.
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On parle beaucoup d’exception culturelle ( dans un autre domaine) mais dans ce que décrit ce livre il s’agit d’une exception dans une situation exceptionnelle : la persistance d’une vie culturelle et mondaine en temps de guerre et ,dans ce cas précis, d’Occupation. D’où se pose le problème des rapports troubles avec la puissance occupante , de l’acceptation enthousiaste à la Résistance plus ou moins passive. C’est très intéressant aussi par rapport au devenir de tous ces personnages après la Libération . L’image de l’intellectuel et de l’artiste n’en sort pas grandie mais pas plus que celle de la population dans son ensemble. Et nous qu’aurions-nous fait ?
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Exposé monumental sur le Paris intellectuel et artistique de l'occupation, cet ouvrage, divisé en plusieurs chapitres parfois thématique, parfois temporels, fourmille d'informations les plus diverses et les plus variées ; fait résonner des noms oubliés à notre mémoire, dresse des tableaux précis de la résistance, de la collaboration, des idéaux et de la philosophie de chacun, de la prise de liberté de certains artistes malgré le climat de surveillance, mais aussi le dilemme auxquels étaient confrontés les artistes et intellectuels de l'époque : prendre part ou non au "débat" politique, mettre l'art, ou la connaissance, au service d'une cause qui dépasserait les domaines dans lesquels ils se cantonnent souvent.
Extrêmement documenté et renseigné, cet ouvrage devrait se lire avec un carnet de notes à ses côtés, pour ne rien perdre de tout ce qu'il transmet.
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