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Citation de Charybde2


On voit d’abord une vingtaine d’hommes en armes, un pied à terre, debout, certains casqués, d’autres tête nue : ils s’abritent derrière des voitures avant de riposter à une menace hors champ, dans une rue exhibant tous les signes de la plus parfaite normalité urbaine (arbres en fleur, passants qui passent, poubelles de couleurs différentes pour le tri des déchets, chaussée et trottoirs impeccables, ciel bleu infrangible, dentelle de nuages, etc.). On sait, on récite son catéchisme, on est un bon petit soldat des repères historiques, on a vérifié : le déchaînement de violence en Allemagne de l’Ouest dans les années 1970, la vitrine brisée du fameux miracle économique qui avait vu le pays renaître de ses cendres, un groupe de terroristes diaboliquement photogéniques contre un État pris de frénésie répressive. On sait le triple barrage opéré sur les faits et leur sens, le ronronnement des doxas. On regarde toujours. Plusieurs tanks circulent également mais dans une autre plan, et on pense alors montage, montage forcément, collage de séquences initialement étrangères l’une à l’autre, on pense reconstitution, fiction plus ou moins documentée parmi d’autres consacrées à la période, à ces années dites de plomb, inconcevables dans ce pays devenu profondément allergique à la violence d’État, et qui eurent lieu pourtant, sous les yeux de tous. Mais il n’y a pas tellement de films sur le sujet, une dizaine tout au plus, on les connaît tous, même les plus infâmes. Et puis on aperçoit deux hommes, le second d’un roux presque rouge est évacué sur une civière dans la cinglante lumière de juin, le premier très maigre avance en slip au milieu des uniformes, et on comprend alors que les images ont été prises sur le vif car les visages sont bien ceux qu’on a vus sous les chiffres de la récompense promise pour leur capture, on comprend que des dizaines de caméras filmaient en direct l’arrestation des deux terroristes les plus recherchés d’Allemagne, que des photographes dans la très belle lumière de juin avaient peut-être le temps de choisir l’angle épique approprié, que les couvertures des gazettes n’ont eu que l’embarras du choix le lendemain, et sur l’écran s’affichent ces quelques mots qui authentifient tout : arrestation d’Andreas Baader et Holger Meins, juin 1972."
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