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Citation de Charybde2


Ils avaient massacré le gamin. Deux heures, deux heures et demie, peut-être trois heures, sans jamais s’arrêter, de toutes leurs forces.
Et c’était dur, c’était long, il fallait être plusieurs, ils s’y étaient mis à trois ou quatre, six ou dix, on n’a jamais su, on n’a jamais pu reconstituer la nuit exactement, il fallait être nombreux à distribuer de très nombreux coups.
Et il fallait s’acharner, ne jamais perdre patience, et il valait mieux être nombreux pour cela.
Et au bout de trois heures ils avaient défait son visage, ils avaient tari les cris de sa gorge, le gamin n’essayait plus de bafouiller des raisons, le gamin n’avait plus de bouche ni d’yeux pour se poser sur une femme blanche et ses raisons n’étaient plus que du sang et d’autres choses sans nom qui coulaient sur son absence de visage.
Et au bout de trois heures ils étaient ivres, car ils avaient bu de larges rasades de gnôle pour reprendre des forces, pour ne pas se décourager, pour aller au bout de leur devoir, au bout de leur colère, au bout de la Justice.
Et après la deuxième ou la troisième bouteille de gin ils avaient l’autorité, ils avaient senti l’autorité du Sud leur passer dans les veines, le vent de l’autorité soulevait le drapeau de l’Union, et ce n’étaient plus eux qui frappaient, ce n’étaient plus Roy Bryant, le mari de l’insultée, ni Milam, le frère du mari de la femme insultée, ce n’étaient plus leurs camarades, Bill ou George ou Mitchel ou Simon (et Roy se tournait vers Willy et ne le reconnaissait pas, et Willy se tournait vers Roy et ne le reconnaissait pas), c’était le vieux peuple des planteurs décimés par le Nord, c’étaient la vieille aristocratie spoliée par la guerre de Sécession, les familles anéanties d’Autant en emporte le vent, trahies par Clark Gable et Scarlett O’Hara.
Et ils se cassaient les phalanges à force de briser les pommettes, les arcades, la mâchoire, à force d’émietter les os minuscules qui soudent une face humaine, à force de s’enfoncer dans la disparition du visage du gamin.
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