AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de lanard


lanard
11 décembre 2010
Recherche scientifique: la métaphore policière
pp. 7-8-9
Dans le domaine de l'imagination il existe le roman à mystères parfait. Un tel roman présente tous les fils essentiels et nous force à construire nous-mêmes la théorie du cas en question. Si nous suivons la trame attentivement, nous arrivons à une solution complète avant la révélation de l'auteur à la fin du volume. La solution même, contrairement à celle des mystères d'un genre inférieur, ne nous déçoit point; elle apparaît d'ailleurs au moment où nous l'attendions.
Pouvons-nous assimiler le lecteur d'un tel livre aux hommes de sciences qui, à travers les générations successives, continuent à chercher les solutions des mystères que contient le livre de la nature ? La comparaison est fausse et devra être plus tard abandonnée ; elle présente cependant une part de justesse, qui pourrait être élargie et modifiée de manière à la rendre plus appropriée à l'effort de la science pour résoudre le mystère de l'univers.
Ce grand roman à mystères n'est pas encore résolu. Nous ne sommes même pas sûrs qu'il comporte une solution définitive. La lecture nous a déjà donné beaucoup ; elle nous a enseigné les rudiments du langage de la nature, elle nous a rendus capables de découvrir bien des fils conducteurs et à été une source de joies et d'émotions dans la marche souvent pénible de la science. Mais nous nous rendons compte que malgré tous les volumes lus et compris nous sommes encore loin de la solution complète, supposé qu'il en existe une. A chaque étape nous nous efforçons de trouver une explication qui soit conforme aux liaisons déjà découvertes. Des théories acceptées à titre d'essai ont expliqué beaucoup de faits, mais aucune solution générale compatible avec toutes les relations établies n'a encore été développée. Très souvent une théorie en apparence parfaite s'est révélée inadéquate à la lumière d'une lecture nouvelle. Des faits nouveaux apparaissent qui la contredisent ou qui ne sont pas expliqués par elle. Plus nous lisons et plus pleinement nous admirons la parfaite construction du livre, même si la solution complète semble reculer à mesure que nous avançons.
Dans presque tout roman policier, depuis les admirables récits de Conan Doyle, il arrive un moment où l'investigateur a recueilli tous les faits dont il a besoin pour arriver du moins à une certaine étape de la solution. Ces faits semblent souvent tout à fait étranges, incohérents et n'avoir aucun rapport entre eux. Le grand détective se rend pourtant compte que, pour le moment, il n'est pas nécessaire de pousser l'investigation plus loin, et que seule la réflexion pure pourra établir une corrélation entre les faits recueillis. Il se met ainsi à jouer du violon, ou s'installe commodément dans son fauteuil en fumant la pipe et, ô surprise! Il l'a trouvé. Et non seulement il a trouvé une relation entre les fils conducteurs qu'il tient en main, mais il sait aussi que certains autres événements ont dû se produire. Et comme il voit maintenant de quel côté exactement il faut chercher, il peut sortir, s'il lui plaît, pour recueillir de nouvelles confirmations de sa théorie.
L'homme de science qui lit dans le livre de la nature, s'il nous est permis de répéter cette phrase rebattue, doit lui-même trouver la solution, car il ne peut pas, comme font les lecteurs impatients d'autres romans, aller aux dernières pages du livre. Dans notre cas le lecteur est en même temps l'investigateur, qui cherche à expliquer, au moins en partie, les rapports entre les événements dans leur riche contexture. Pour obtenir même une solution partielle l'homme de science doit rassembler les faits chaotiques qui lui sont accessibles et les rendre cohérents et intelligibles par la pensée créatrice.
Commenter  J’apprécie          80









{* *}