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Citation de coco4649


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extrait 2 /B



XI

      Canelo et Martial pissaient ensemble. Ils choisissaient parfois le tapis persan du salon, pour dessiner sur la laine des nuages sombres dont les formes se dilataient lentement. Cela leur valait d'être punis à coups de sangle, qui d'ailleurs n'étaient pas aussi douloureux que le croyaient les grandes personnes. Mais en revanche ils étaient un admirable prétexte à élever des concerts de hurlements et à provoquer la pitié des voisins. Lorsque la femme bigle de la maisonnette voisine qualifiait son père de brute, Martial regardait Canelo, les yeux rieurs. Ils pleuraient un peu plus, pour obtenir un biscuit, et tout était oublié. Tous deux mangeaient de la terre, se vautraient au soleil, buvaient dans la vasque aux poissons, cherchaient l'ombre embaumée au pied des basilics. Aux heures chaudes les parterres humides s'emplissaient de monde. Il y avait l'oie cendrée, au jabot renflé pendant entre ses pattes cagneuses ; le vieux coq au croupion pelé ; le petit lézard qui disait uri, ura, en sortant de son cou une cravate rose ; le triste serpent jubo, né dans une ville sans femelles ; la souris qui murait son trou avec un œuf de caret. Un jour, on montra le chien à Martial :
      — Ouah, ouah, dit-il.
      Il parlait sa propre langue. Il avait obtenu la suprême liberté. Il voulait atteindre à présent, de ses mains, des objets qui étaient hors de leur atteinte.


/traduit de l'espagnol par René L. F. Durand
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