À peine les chevaux du comte avaient-ils tourné l’angle du boulevard, qu’Albert se retourna vers le comte en éclatant d’un rire trop bruyant pour ne pas être un peu forcé.
« Eh bien, lui dit-il, je vous demanderai, comme le roi Charles IX demandait à Catherine de Médicis après la Saint-Barthélemy : Comment trouvez-vous quej’ai joué mon petit rôle ? »
– À quel propos ? demanda Monte-Cristo.
– Mais à propos de l’installation de mon rival chez M. Danglars…
– Quel rival ?
– Parbleu ! quel rival ? votre protégé, M. Andrea Cavalcanti !
– Oh ! pas de mauvaises plaisanteries,vicomte ; je ne protège nullement M. Andrea, du moins près de M. Danglars.
– Et c’est le reproche que je vous ferais si le jeune homme avait besoin de protection. Mais, heureusement pour moi, il peut s’en passer.
– Comment ! vous croyez qu’il fait sa cour ?
– Je vous en réponds : il roule des yeux de soupirant et module des sons d’amoureux ; il aspire à la main de la fière Eugénie. Tiens, je viens de faire un vers !Parole d’honneur, ce n’est pas de ma faute. N’importe, je le répète : il aspire à la main de la fière Eugénie.
– Qu’importe, si l’on ne pense qu’à vous ?
– Ne dites pas cela, mon cher comte ; on me rudoie des deux côtés.
– Comment, des deux côtés ?