Madame, se décrivant elle-même carrée comme un dé, massive, sujette à l’embonpoint, le nez tordu. Saint-Simon ajoute qu’elle avait « le visage et le rustre d’un suisse ». Que Monsieur et Madame ne s’accordassent point sur les plans physique et sexuel, c’était un fait. Tout est parfaitement résumé par la phrase que Monsieur, grand amateur de plaisirs que l’on qualifiait d’ultramontains, prononça à mi-voix lorsqu’il découvrit pour la première fois sa nouvelle épouse : « Oh ! Comment pourrai-je coucher avec elle ? » Quant à Madame, elle éprouva sa vie durant une vive aversion pour l’amour physique. Cela ne les empêcha pas d’avoir ensemble trois enfants, dont deux atteignirent l’âge adulte.
Si Dubois ne doutait pas de ses talents, ni de sa bonne étoile, il fut cependant toujours extrêmement inquiet du manque de stabilité dans lequel le mettait sa situation. Le moindre obstacle, la moindre contrariété lui procuraient des sueurs froides. Quoi de plus normal finalement pour un provincial sorti de nulle part, dont la situation était loin d’être acquise, dont la réussite n’était jamais que provisoire et dont la position, pourtant enviable, était entièrement entre les mains des autres ? Il ne pouvait oublier que s’il commençait à jouer un rôle à la Cour, il le devait tout autant aux soutiens qu’il avait reçus qu’à ses talents.
La vie du cardinal Dubois se distingue de celle de la plupart des ministres dont le destin était tout tracé et qui n’eurent guère à lutter pour se hisser aux plus hautes fonctions. L’abbé dut faire preuve de patience et chercher à s’imposer avant que subitement les événements n’accélèrent le cours de son existence. Son parcours est linéaire : il ne connaît pas la disgrâce et semble toujours vouloir gravir une marche supplémentaire sitôt un objectif atteint. Chacune des étapes de ce parcours fut donc marquée par l’accession à de nouvelles fonctions, d’abord secondaires puis toujours plus prestigieuses.
Il avait de l’esprit, assez de lettres, d’histoire et de lecture, beaucoup de monde, force envie de plaire et de s’insinuer, mais tout cela gâté par une fumée de fausseté qui sortait malgré lui de tous ses pores, et jusque de sa gaieté qui attristait par là. Méchant […], traître et ingrat, maître expert aux compositions des plus grandes noirceurs, effronté à faire peur étant pris sur le fait, désirant tout, enviant tout, et voulant toutes les dépouilles.
Il se devait de maîtriser plusieurs langues : sa langue maternelle, le latin bien sûr, mais également l’italien, l’allemand et l’espagnol. La géographie de l’Europe ne devait plus avoir de secret pour lui. L’histoire était également une matière de première importance : le prince devait apprendre les principaux repères chronologiques de l’histoire universelle. L’accent était mis sur l’Empire romain, l’histoire de France et la généalogie des souverains français et européens. L’enseignement des mathématiques était conçu comme un savoir annexe de l’art militaire. Au-delà de la géométrie et de la trigonométrie, le duc de Chartres devait acquérir de solides connaissances en matière de fortifications, de jet de bombes ou de machines de guerre ainsi que quelques rudiments d’instruction maritime. La philosophie venait enfin couronner cet apprentissage et comprenait, outre l’étude de la logique, « manière de chercher la vérité et d’éviter de tomber dans l’erreur », et de la métaphysique « connaissance des premières vérités », celle de la physique, complément nécessaire aux mathématiques, ainsi qu’une initiation à l’anatomie.