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Citation de Charybde2


Au rez-de-chaussée il y avait de la lumière, la lumière du jour, même si elle était blême à cause du ciel couvert ; devant la large entrée vitrée, il trouva, comme prévu, un groupe de gardiens, fusil sur l’épaule, alertes et vifs, dont la présence dissipa son embarras. Il leur jeta un coup d’œil pour vérifier : Nagy-Karoly n’était pas parmi eux, mais leur insouciance lui serra le cœur d’envie. Combien de fois n’avait-il pas désiré être comme eux, le fusil sur l’épaule, celui qui exécute les ordres sans se préoccuper du pourquoi et du comment ; mais à cause de son instruction – cinq années de lycée – on lui avait offert un poste plus élevé et mieux rétribué, qu’il avait bien entendu accepté. Pourtant, il ne s’était jamais fait à cette fonction supérieure, qui lui conférait un pouvoir de décision, fondé sur une autorité secrète accordée à un groupe restreint ; il était fier de cette autorité, tout en la sentant étrangère à lui, car il y était parvenu trop tard, à l’âge de trente-deux ans. Jusque-là, depuis qu’il avait quitté l’école – il avait abandonné parce que son père ne pouvait plus payer ses études – il avait occupé des emplois subalternes, il avait longtemps travaillé comme portier ouvreur dans un vieux petit cinéma de Novi Sad, où il était plus proche des opérateurs, des caissières, des dames pipi, que de cette chose complexe appelée direction et composée du directeur, du copropriétaire, monsieur Kramberger, et de deux employés. Il n’avait accès à cette sphère interdite que lorsqu’on le faisait venir pour lui donner des ordres et pour le payer le premier de chaque mois. Il récriminait contre eux, à la dérobée ; mais maintenant qu’il avait lui aussi des responsabilités, qu’il donnait des ordres, sa satisfaction se teintait souvent de regret pour son ancienne situation. (« L’École d’impiété »)
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