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Critiques de Ali-Auguste Bourequat (1)
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Dix-huit ans de solitude : Tazmamart

Je viens de terminer la lecture de ce dramatique témoignage et j'en ressors totalement émue et chamboulée.

D'ailleurs, je tiens à m'excuser pour la longueur de cette chronique, mais il y a tellement de choses à dire sur ce livre !



Cela faisait un petit moment qu'il était dans ma bibliothèque, mais je le redoutais un peu à cause de son thème douloureux.

Ali-Auguste Bourequat nous raconte les dures années de détention qu'il a vécu avec ses deux frères.

Il faut raviver la plaie, comme il dit, et extirper les images qu'il aimerait pourtant enfouir au plus profond de lui-même. Mais il a eu le courage de témoigner, pour que le monde sache et que rien ne sombre dans l'oubli.

Tout à commencé par un enlèvement à leur domicile de Rabat par une brigade spéciale. Ils sont emmenés pour une destination inconnue.

N'ayant jamais été condamnés et ne sachant pas pourquoi, ces citoyens français vont devoir vivre dix-huit années d'horreur, de 1973 à 1991.



Ali commence son histoire par une fin heureuse, quand il retrouve sa liberté avec ses frères.

Mais il fait très vite un retour en arrière où il parle tout d'abord de sa détention au PF3, où ils resteront un peu plus de deux ans. C'est une prison secrète de Hassan II à Rabat située en plein quartier résidentiel, au milieu d'ambassades. Une villa annexe sert aux interrogatoires et de lieu pour les séances de torture.

Il sera ensuite transféré dans le camp Choukhmane, un camp de gendarmerie royale.



Mais le pire reste à venir...

Quand Ali pense qu'il a vécu le plus dur, il n'imagine pas ce qui l'attend.

Cet enfer porte le nom de Tazmamart, où il sera transféré avec ses frères pour y rester encore plus longtemps.



« Nous avons passé dix ans, six mois, vingt-trois jours et douze heures à Tazmamart, ce cimetière pour morts-vivants, [...] »



Tazmamart, la prison secrète de Hassan II. Ce bagne où il y avait pour détenus 61 militaires dont 30 ont péri après d'atroces souffrances. Il s'y trouvait également des civils. Parmi ces derniers, les trois frères Bourequat.

À Tazmamart, la chronologie des faits est impossible à raconter pour Ali.

Les jours se répètent et se succèdent. Il ne voit le jour qu'à travers les quatorze petits trous percés à deux mètres de hauteur dans le mur de sa cellule individuelle. Il vit au milieu de ses déjections, au milieu des cafards, des scorpions et parfois même des serpents. Il a dû supporter les douleurs de son pauvre corps. Greloter l'hiver et suffoquer l'été au milieu des odeurs nauséabondes qui faisaient fuir au plus vite les gardes qui leur apportait « à manger » pour éviter qu'ils vomissent.

Un détenu était même dévoré vivant par des vers!

C'est sa vie pendant dix longues années.

L'obscurité et la solitude le rongent chaque jour. Il va pourtant trouver la force grâce à sa foi inébranlable et grâce à ses compagnons de survie, avec qui il parvient à communiquer, mais dont il ne verra jamais les visages (mis à part quelques uns plus tard).

Pour rester en vie, il inventera aussi des poèmes (en pensant à Paris, sa ville adorée) qu'il récitera dans sa tête jusqu'à les connaître par coeur. (On peut les trouver à la fin du livre).



Pour tenter de comprendre cet effroyable sort, je pense qu'il est important de préciser que les Bourequat ont contribué avant et après l'indépendance à la renaissance du Maroc.

Le père d'Ali, était organisateur des services secrets marocains. Ali, secrétaire de son père a servi un monarque, Mohammed V, prédécesseur et père de Hassan II.

Ils en savaient probablement trop...

Et le gouvernement marocain ne connaissait soit disant pas ces trois ressortissants français lors des appels à l'aide.



« [...] rayés pendant dix-huit ans et demi du monde des vivants, morts ressuscités après six mille sept cent cinquante jours de non-existence [...] »



Ali parle toujours de cette impression d'être enterré vivant. On ressent sa douleur à travers ses mots.

Par contre, certains passages où il raconte la vie et les anecdotes sur certaines de ses rencontres m'ont un peu ennuyés à cause des nombreux détails sur des faits politiques. D'ailleurs, une grande partie de l'ouvrage avant Tazmamart, est ainsi relatée.



L'annexe de ce livre est très intéressant, puisqu'on y trouve le plan du PF3 et le plan de Tazmamart, reconstitués d'après leurs estimations personnelles, avec des mesures prises avec leurs mains et bras comme repères. Ainsi, le lecteur peut mieux visualiser.



J'ai adoré l'épilogue, « L'éternel jugera », où Ali, une fois libéré, adresse une lettre à Hassan, ce tyran qui l'a tant fait souffrir. Ses mots sont tranchants et percutants.

Il mène avec détermination son combat pour que le monde sache, pour que le régime de ce roi soit renversé pour avoir déshonoré la dynastie alaouite.

Jusqu'au bout, Ali garde sa dignité d'homme malgré le calvaire et les abominations qu'il aura subi.



Un témoignage bouleversant, touchant et très courageux, où l'on ne peut être qu'admiratif face à ces survivants.
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