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3.92/5 (sur 12 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Condé-sur-l'Escaut , le 01/02/1979
Biographie :

Originaire d'Europe de l'est, Aliocha Wald-lasowski a été responsable de la revue L’Agenda de la pensée contemporain de 2007 à 2010.
Il a été enseignant à l'université catholique de Lille.
Journaliste, il a collaboré au Magazine Littéraire, Marianne ou encore l'Express et l'Humanité.
Il est aussi chroniqueur radio.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Aliocha_Wald_Lasowski
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Passage à l'antenne d'Aliocha Wald Lasowski dans l'émission "La Grande Table" sur le thème : "Comment promouvoir et défendre l’émancipation dans notre société ?


Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Le dernier roman de Philippe Sollers s’ouvre sur l’image d’un arbre céleste, un grand cèdre qui s’enracine dans le temps, comme une majesté dans un monde où tout passe : « Le cèdre règne, il protège, il paraît méditer, il bénit. » Grand totem de l’enfance que fixe une photographie du narrateur, qui se tient près de lui, avec sa s ?ur. L’image montre aussi « une clairière toujours vivante, une éclaircie ». Petite scène du roman familial à Bordeaux, souvenir lumineux du petit frère caché dans son arbre. La soeur a disparu, foudroyée par un cancer. C’est d’elle que rêve le narrateur. Elle, dans le jardin d’autrefois ; elle, près du cèdre ou de la véranda ; elle toujours, au coeur d’une éclaircie bordée d’ombre. La voici qui réapparaît aux yeux du narrateur, lorsqu’il contemple le portrait de Berthe Morisot au bouquet de violettes. Éblouissante dans le noir éclatant du tableau. « Ce que Manet a découvert dans le noir ? Le regard, la beauté enrichie du néant. » Le noir comme lumière, comme éclaircie majeure, nécessairement lié au féminin.
Ecce femina. Les femmes, chez Manet (Victorine Meurent, Berthe Morisot, Méry Laurent), chez Picasso (Eva Gouel, Marie-Thérèse, Olga, Dora Maar, Jacqueline), chez Sollers (Anne la soeur, Sylvie la nièce, Lucie, la femme aimée), sont déesses, amantes, soeurs. Divinités de la lumière. Anges de la peinture. « Les tableaux parlent d’eux-mêmes. Cette blonde vient tout droit du XVIIIe siècle, elle a été baigneuse chez Fragonard. » Manet, l’éclaircie signée Manet dans les ténèbres du XIXe siècle, accompagne le narrateur au long du roman (comme le font aussi les Illuminations de Rimbaud). En grand faune arpentant le boulevard, Manet aborde les femmes pour faire des toiles [3] — Olympia [4], Le Déjeuner sur l’herbe, Un bar aux Folies Bergère [5], La Femme au perroquet, L’Asperge —, « des romans pleins de micro-poèmes ». Le même geste fait du roman de Sollers une suite de tableaux pleins de micro-poèmes.
C’est Lucie, mécène et femme du monde, que le narrateur rencontre à l’occasion de la vente d’un manuscrit légendaire : Histoire de ma vie de Casanova. « Lucie, lumière, éclaircie. » Messagère de Dante, elle est l’âme soeur amoureuse, qui recrée un paradis dans cette clandestinité que réclame toujours, chez Sollers, un amour véritable. Ce sont aussi les photos de Picasso à côté de sa soeur Lola et la magnifique Fillette aux Pieds nus (1895), dont la robe rouge et l’écharpe blanche ancrent le visible et la vie avec la même majesté que le grand cèdre du jardin.
Anch’io ! « Et moi aussi, après tout, je suis peintre », s’exclame le narrateur. Tel est le secret de l’oeuvre de Philippe Sollers. Pour Manet, les femmes de sa vie sont celles de ses tableaux ; pour Casanova, celles de son Histoire ; pour Sollers, celles de ses romans, pour autant que le roman s’ouvre à l’échange des cinq sens, à l’écoute des toiles, au toucher de la langue, au respir de la vie. Palette, pinceaux, papier, papyrus, encre, stylo, machine à écrire. Sollers nous apprend que lire est une expérience sensorielle. Les sens en éveil, les goûts multipliés, le lecteur plonge dans l’aventure romanesque où se mêlent désirs, pensées, rêveries, rencontres échappées. Les siècles se répondent. Le scandale de la beauté est instantané. Au colloque des arts, les artistes s’appellent. « Casanova me sourit au coin de la rue. Il fait beau, les rosiers grimpants sur la terrasse de Gallimard, en face de mon bureau, sont en pleine profusion rose et blanche. » Et toujours la peinture, en soeur aimée du romancier : « Les tableaux où Lucie apparaîtrait, si j’étais peintre, devraient être envahis par l’intensité de ce noir sans lequel il n’y a pas d’éclaircie. » À travers sa richesse éclatée, dans son tempo alerte et démultiplié, dans cette infinie vitesse à perte de vue à laquelle elle s’abandonne, l’écriture suit sa ligne. Subtile. Amoureuse. La profusion fait progresser. « J’aurais tenu mon cap au millimètre. »
Chinois du IIIe siècle, Hsi K’ang croyait à l’existence des immortels. Sollers les a rencontrés. Ils se nomment ici Dante, Bach, Casanova, Haydn, Mozart, Stendhal, Nietzsche, Manet, Picasso. Qu’ils peignent, écrivent ou composent, le grand cèdre résonne de leurs suites et de leurs variations. Le roman s’illumine. « Picasso, peintre évadé en atelier, est lui-même un instrument musical », comme l’est Sollers, par-dessus tout.
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Haydn est l’un des musiciens préférés de Philippe Sollers. Merveilleux antidote, antidote nécessaire à la morosité ambiante, comme le suggère en 2007 Un vrai roman, Mémoires, lorsque Sollers écrit : « À chaque instant, les préjugés romantiques, la pose romantique, noient la vision, l’évidence, l’écoute, et c’est sur ce dogme mélancolique que la dévastation publicitaire s’installe et progresse. Étrange hypnose. donc, que la moindre sonate de Haydn balaie sur-le-champ. »


Sollers saisit le génie créateur et musical de Haydn (1732-1809) dans les dernières années de sa vie, quand trois jours avant sa mort, le compositeur autrichien discute des airs d’opéra italien avec un officier de hussards français. Mais c’est aussi l’occasion de revenir sur Mozart dans les premières années de sa jeunesse, au moment où il se trouve en Angleterre avec un des fils de Bach, Jean-Chrétien. Le père de Wolfgang observe son fils, précise Sollers, et remarque le 28 mai 1764 avec quelle vitesse il est capable d’improvisation : « Le petit prodige vous invente aussitôt un air. » Dans Mystérieux Mozart, en 2001, musique et rythme forment une ligne de fuite énigmatique, libératrice, autour de laquelle les êtres et le monde pivotent. Agitation de l’âme, ébullition générale, il en va du musicien comme de l’écrivain. À propos de Haydn, Philippe Sollers sollicite Rimbaud : « Rien de plus proche d’une Illumination de Rimbaud qu’une sonate de Haydn. »
Circulaire, linéaire, mais aussi solaire et trépidante ait milieu des cris et des acclamations, la vitesse est l’événement. Avec Sollers, Shakespeare et Nietzsche, Haydn et Mozart deviennent les puissances de l’imprémédité en créant dans l’instant des figurations inédites où la main, l’oeil et l’ouïe visent un même horizon.
Lorsque Mozart devient père, son vrai père à lui reste Haydn. Sollers raconte l’intense amitié entre les deux hommes, la secrète filiation des deux compositeurs. Mozart sait par exemple qu’il n’atteindra jamais aux quatuors et aux symphonies Haydn. Pour les concertos et les opéras, c’est autre chose, précise Sollers, qui note encore dans Mystérieux Mozart que « peu d’hommes au monde auront été aussi géniaux, discrets et rigoureusement bien que le grand Joseph Haydn ». À une époque où le mot goût prenait tout son sens, l’éloge par excellence.
La Guerre du goût paraît en 1994. On ouvre le livre de Philippe Sollers comme on déchiffre une partition de Haydn : on y est. Sollers y consacre d’ailleurs au musicien un texte éblouissant, « Le lieu et la formule », où il confie combien Haydn ne cesse de retenir dans sa vie. « En quatuors, en sonates. Après avoir réécouté tous les grands préférés — Gesualdo, Purcell, Monteverdi, Scarlatti, Vivaldi, Bach. Haendel, Mozart —, c’est lui, de nouveau, qui fait signe au moment dit plus grand silence. II reste dans son secret, non omnis moriar . Je pense à un monde reconstruit selon redressement harmonique : par-delà le bien et le mal, la mort et son faux dieu, selon la trouvée des substances et des densités. Mercure, billes. On le touche à peine, il répond, il tourbillonne en cascade — saut, arrêt, saut, intermittence — , il s’éclipse, glisse, roule, troue, repart. Phrases où il n’y aurait que des verbes. Haydn est un jazz de durée, sans dépression, sans espoir. » 
Vies dans l’intensité. Partages passionnés. Trésor d’Amour (2011) rappelle que la passion pour la musique fut une constante dans la vie de Stendhal. Passion profonde et absolue. Avant son départ pour Milan, en 1814, Stendhal a trente et un ans. II vient d’écrire les Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase comme une série de variations autour du mystère de la musique. Sur l’île de Ré, à six heures du matin, devant l’Océan. Philippe Sollers écoute une sonate de Haydn. Le lieu est dégagé. La musique et le monde le sont aussi.
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