Des larmes de dépit coulèrent sur les joues spirituelles de la dessinatrice.
Une fumée charbonneuse commença à se dégager du corps, reconstituant, comme si le temps s’inversait, des lambeaux de chairs, puis de peau. Loin de n’être qu’un squelette obscur, la créature sembla remonter le temps pour revenir à son apparence originelle.
Je bondis et, d’un ample mouvement, balayai leurs têtes de ma batte d’argent, tel un joueur de baseball professionnel. Crâne et tronc se séparèrent, les chairs se déchirèrent et le sang gicla sous les yeux effarés des trois hommes.
Homerun.
Les restes sanglants de ce qui avait été autrefois les deux corps roulèrent sur le bitume jusqu’à s’immobiliser. Morts.
— Bas les crocs, crachai-je en reposant l’arme sur mon épaule.
L’hécatombe s’interrompait ici, avec pas moins de cinq résidus de chair empilés entre deux arbres. Le carnage était sans nom. Le nouveau-né n’était pas parvenu à trouver la veine en plantant ses crocs, alors il avait ouvert chaque cou et sectionné l’artère pour vider son contenu en lui.
Ses yeux exorbités perdirent vie dans l’instant, ne laissant qu’un corps rigide qui se détendit aussitôt et tomba. Le cœur humain encore entre les doigts de son assaillant avait été broyé.
Le vampire face à moi arborait un rictus malfaisant que mon échine n’apprécia pas.
On pouvait se battre des siècles durant pour instaurer des règles inviolables, cadrer les plus dangereux des spécimens de notre espèce, établir un équilibre de respect par la violence, les plus bas instincts d’un vampire revenaient, sans cesse.
Fais-toi une raison : la gentillesse ne sert à rien, seule la violence permet de retenir les règles. Il ne suffit pas d’une fois pour faire comprendre à un enfant son erreur. Mais je ne lui laisserai pas la chance de se souvenir de la seconde.
— Bébé Morley… le saluai-je.
Fidèle aux mêmes penchants que son aîné, ses pupilles s’arrêtèrent un instant sur ma poitrine avant de se concentrer sur l’essentiel. Ses lèvres se crispèrent de gêne. Ah, la candeur des jeunes années…
Ma poitrine battait d’une violence que je n’avais pas connue depuis longtemps, mais c’était terminé. Ma volonté avait fini par reprendre le dessus et tirait ses ficelles pour renfermer le démon dans le creux de mon âme.
À peine identifiables, leurs gorges avaient été déchiquetées sous la violence d’une créature affamée. Aucune délicatesse, pas la moindre once de culpabilité, une hargne pure et dure.