Sa main a été promise tant de fois. Elle connaît ce dernier engagement qui
l’a fiancée par contrat signé l’hiver passé à Jargeau, près d’Orléans, entre le
sieur de Beaujeu et le roi Louis XI, son père. Mais cette fois, le roi a voulu
la marier sans attendre, car elle a atteint l’âge où il passe par la tête des
filles des jeux soufflés par diable sait qui, comme de mordre les lèvres
goulues de leur cousin.
Sept jours déjà qu’on lui a annoncé la mort de son frère, le roi
Charles VIII. Le temps a ralenti jusqu’à la rendre folle. Il a fallu attendre,
pour prendre la route, que son époux sorte de son lit et de sa grande fatigue
tandis que l’irrémissible rongeait chaque minute en silence. Depuis, elle
s’adresse inlassablement à l’âme de son frère.
Je me réinstalle dans le fauteuil de toile noire. Tête dans les mains, je m’enfonce à nouveau dans cet isolement intérieur où ma respiration éteint progressivement les rumeurs du monde. Le temps devient élastique.
Paris, place de la Concorde. J’ai vingt sept ans et devant moi cent chemins possibles à dessiner dans la lumière vibrante d’un après-midi de juin.
Dehors, il y a l’énergie de la ville, la foule à marée montante, j’imagine ces mille vies et autant de routes qui se croisent cet après-midi là, dans cette lumière là.