Le ministre des droits de l’homme (Khaled Nezzar) résume ainsi la situation : « Aujourd’hui, nous sommes face à ce dilemme : poursuivre le processus électoral pour respecter la lettre de la Constitution, ou l’interrompre pour sauver le pays et nos libertés. Pour ce qui me concerne, l’opinion est prise. Nous devons mettre un terme à cette dérive.1 »
1. Cité dans les mémoires de Kahled Nezzar.
(page 161)
Son discours transpirant une peur indissimulable du FIS, le président (Chadli Bendjedid) appelle les citoyens à participer massivement aux élections qui « représentent une étape historique » pour l’Algérie indépendante. Il se déclare décidé à mener à leurs termes les réformes politiques et économiques engagées depuis les émeutes d’octobre 1988.
(page 69)
En pleine crise économique, le mouvement islamiste, favorable à l’économie de marché, est aussi envisagé dans le rôle d’un absorbeur du mécontentement social grâce au discours religieux. Erreur !
(page 36)
Djihad. État islamique, le FIS ne fait plus mystère de ses intentions :
Plusieurs responsables du parti affirment dans des rassemblements à Sétif, Blida et ailleurs son intention d’appliquer immédiatement la charia en cas de victoire électorale. Ali Belhadj et Hachemi Sahnouni, membres de la direction, annoncent qu’ils appliqueront « immédiatement » la charia, suspendront la constitution en vigueur, interdiront les partis laïcs et socialistes et « expulseront » le président de la République.
(page 53)
Le FIS est le seul parti à présenter des candidats dans l'ensemble des circonscriptions. Son ambition, proclament ses dirigeants, c'est l'application de la chari'a (loi coranique) dans toutes ses dimensions (politique, économique, sociale, culturelle et morale) car un programme partisan risquerait de faire passer les aspirations de l'homme politique avant les "impératifs divins" : le FIS est là non pour appliquer son propre programme, mis en compétition avec ceux des autres partis, mais pour satisfaire Dieu.
(pages 24-25)
« L’heure est grave » pour les militantes féministes. L’Association indépendante pour le triomphe des droits de la femme (AITDF), dirigée par Khalida Toumi, lance un appel à barrer la route du FIS :
« Les électeurs du FIS, 25% de l’électorat, imposeront-ils que les femmes soient enterrées vivantes ? Imposeront-ils que l’avenir de nos enfants soit confisqué par les « tribunaux populaires » du FIS ? »
(page 164)
Les mosquées sont un lieu de collecte d’argent pour le mouvement. Ce qui donne au FIS des moyens financiers incomparablement supérieurs à ceux des autres partis.
(page 107)
Mohamed Boudiaf, un des « fils de la Toussaint » de 1954 qui ont déclenché la guerre d’indépendance, est officiellement de retour après un exil de 29 ans au Maroc. Une revanche sur l’histoire ? Son avion se pose à 15h 00 à l’aéroport d’Alger Houari Boumediene, du nom de celui qui l’a voué à son cruel sort d’opposant traqué, emprisonné et exilé.
(page 200)
La mission se révèlera particulièrement ardue en France où la gauche fait des islamistes son nouveau prolétariat.
Devant un parlementaire européen en visite à Alger, Mohamed Boudiaf souhaite « voir le processus démocratique reprendre le plus vite possible ». Il exprime un « besoin de solidarité internationale de l’Algérie afin de permettre à son peuple de vivre au lieu d’exister ». La Communauté Économique Européenne (CEE) a gelé une importante aide financière au pays.
(page 226)
Par crainte ou par sagesse, la population vient de désavouer le FIS, qui a encore surestimé ses capacités. Le parti, dont l’encadrement est déjà démantelé par les arrestations, vient de perdre la « bataille de la rue » après celle des mosquées. C’est sans doute le dernier tournant politique de son existence. Il lui reste maintenant à étaler sa violence en attendant l’acte de son décès juridique que HCE (Haut Comité d’État) est décidé à lui faire délivrer.
(page 222)