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Citation de Macabea


Le Dr Allendy et Antonin Artaud sont assis derrière un grand bureau. Allendy présenta Artaud. La salle était comble. Le tableau faisait une étrange toile de fond. La lumière était crue. Elle plogeait dans l'obscurité les yeux enfoncés d'Artaud. Cela soulignait d'autant l'intensité de ses gestes. Il paraissait tourmenté. Ses cheveux, assez longs, retombaient parfois sur son front. Il a la souplesse et la vivacité de gestes du comédien. Un visage maigre, commeravagé par la fièvre. Un regard qui ne semble pas voir le public. C'est une regard de visionnaire. Il a des mains longues aux doigts longs.
A coté le Dr Allendy a l'air prosaïque, lourd, gris. Il est assis derrièrel e bureau, massif, concentré. Artaud monte sur l'estrade et commence à parler : 'Le Théâtre et la Peste'.
Veut-il nous rappeler que ce fut durant la Peste qu'un si grand nombre de merveilleuses oeuvres d'art et de pièces de théâtre ont vu le jour, parce que l'homme fouaillé par la peur de la mort, cherche l'immortalité, l'évasion, cherche à se surpasser? Mais alors, d'une manière presque imperceptible, Artaud délaissa le fil que nous suivions et se mit à jouer quelqu'un mourant de la peste. Pour illustrer sa conférence, il représentait une agonie. "La Peste" est en français un mot autrement plus terrible que 'the plague' en anglais. Mlais il n'est pas de mots pour décrire ce que jouait Artaud sur l'estrade de la Sorbonne. Il oublia sa conférence, le théâtre, ses idées, le Dr Allendy à côté de lui, le public, les jeunes étudiants, sa femme, les professeurs et les metteurs en scène.
Il avait le visage convulsé d'angoisse, et ses cheveux étaient trempés de sueur. Ses yeux se dilataient, ses muscles se raidissaient, ses doigts luttaient pour garder leur souplesse. Il nous faisait sentir sa gorge sèche et brûlante, la souffrance, la fièvre, le feu de ses en trailles. Il était à la torture. Il hurlait. Il délirait. Il représentatit sa propre mort, sa propre crcifixion. les gens eurent en premier lieu le souffle coupé. Puis ils commencèrent à rire. Tout le monde irait et sifflait !" Puis un par un, ils commencèrent à s'en aller à grand bruit, en protestant. Ils claquaient la porte en sortant.
Les seuls à ne pas bouger sont Allendy et ses proches. Encore des protestations. Encore des huées. Mais Artaud continue, jusqu'à son dernier souffle. Et il reste là, par terre. puis quand la salle s'est vidée et qu'il ne reste qu'un petit groupe d'amis, il marche droit sur moi et me baise la main. Il me demande de l'accompagner dans un café.
Tous les autres avaient quelque chose à faire. Nous nous sommes tous séparés à la porte de la Sorbonne. Artaud et moi sommes sortis. Nous avons marché le long des rues obscures. Il était blessé, durement atteint et déconcerté par les huées. Il écumait de colère : "Ils veulent entendre une conférence objective sur 'Le Théâtre et la Peste' et moi je veux leur donner l'expérience même, la peste même, pour qu'ils soient terrifiés et qu'ils se réveillent. Je veux les réveiller. Ils ne comprennent pas qu'ils sont morts. Leur mort est totale, comme une surdité, une cécité. C'est l'agonie que j'ai montrée. la mienne oui, et celle de tous ceux qui vivent.
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