Comme tu dois le penser d’après notre télégramme, nous avons vivement apprécié Personne et les autres. […] Mais je comprends (c’est une façon de parler) le malaise ou la stupeur de certains esthètes qui ont eu ce manuscrit en mains. […] C’est une histoire, non contée, mais vécue par des idiots pleins de bruit et de fureur, qui ne signifient rien – pour détourner justement Shakespeare – et précisément ces gens mêlent à ce délire morne et ennuyé (ennuyeux) qui est le mode d’être moyen de « la vie courante », au sens du poème final de Maïakovski « la barque de l’amour s’est brisée contre la vie courante », certains fragments de communication privilégiée, mais non traitée comme telle ; certaines « informations » qui sont parmi les plus lucides et exactes que puisse transmettre un spectacle d’aujourd’hui, à travers sa propre contestation.
Guy Debord, Lettre à André Frankin du 31 octobre 1960