Alors je pense (en dépit de mon anticapitalisme) à tous ceux de chez nous qui, du grand industriel au petit commerçant, se tourmentent et s'ingénient : qu'inventer qui flatterait le goût du public ? Avec quelle subtile astuce chacun d'eux cherche à découvrir par quel raffinement il pourra supplanter un rival ! De tout cela, l'État n'a cure, car l'État n'a pas de rival. La qualité ? - "À quoi bon, s'il n'y a pas de concurrence", nous a-t-on dit. Et c'est ainsi que l'on explique trop aisément la mauvaise qualité de tout, en U.R.S.S., et l'absence de goût du public. Eût-il "du goût", il ne pourrait le satisfaire. Non ; ce n'est plus d'une rivalité mais bien d'une exigence à venir, développée progressivement par la culture, que dépend ici le progrès. En France, tout irait sans doute plus vite, car l'exigence existe déjà.
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