André Rouveyre

Paul Léautaud, Journal littéraire au 21 février 1933 : [André Rouveyre] parle de son roman, qu’il a envoyé à Vallette, avec qui il en a dit quelques mots ce matin. À l’entendre un sujet difficile, d’un style difficile. Billy l’a lu, lui en a fait grands compliments, lui a dit qu’il pourrait très bien arriver à un tirage de 5 à 6 000. Rouveyre avait d’abord pris ce titre : La Retraite partagée. Il en a donné ce matin un autre à Vallette : Hermétiquement. Je lui ai vivement conseillé de s’en tenir au premier...

23 février : J’ai regardé tantôt le manuscrit de Rouveyre, que Vallette a sur son bureau et qu’il a commencé à lire, une ficelle marquant la page à laquelle il en est resté. J’ai lu à plusieurs endroits. Essayé de lire, plutôt. Pas moyen. C’est accablant de difficulté pour saisir le sens, d’une abstraction dans la peinture des sentiments qui est une véritable obscurité. Je ne peux pas lire de pareilles choses.

24 février : Parlé tantôt à Vallette du manuscrit de Rouveyre, en lui disant que j’en ai regardé quelques pages hier. Il me dit : « On n’en peut rien faire. Je suis en train de le lire. C’est totalement incompréhensible. Il s’est pourtant appliqué. Les phrases, en elles-mêmes, sont écrites clairement. Mais c’est ce qu’il exprime…. C’est si loin, si enfoncé. C’est absolument illisible. Il y a certains passages que j’ai lus plusieurs fois sans arriver à comprendre. » Je lui dis l’avis que Billy a donné à Rouveyre : qu’il peut compter sur cinq ou six mille acheteurs… Vallette « Pour l’acheter, mais pas pour le lire. Moi, vous, qui avons l’habitude de lire, qui savons ce que c’est que la littérature, c’est déjà illisible pour nous. Voyez-vous le lecteur ordinaire se mettre à lire cela J’aurais bien voulu être agréable à Rouveyre dont j’apprécie les qualités, l’intelligence, comme les côtés bizarres. Mais devant une pareille chose… Il n’y a pas moyen. » Tout à fait de mon avis pour déplorer le titre Hermétiquement remplaçant le premier titre La Retraite partagée, il l’a dit tout de suite à Rouveyre quand il est venu mardi matin.

Le manuscrit en question est l’histoire de la liaison de Rouveyre avec la jeune phtisique rencontrée par lui à [Barbizon ?] il y a quelques années. Quand on est au courant, on reconnaît tout de suite.


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