Mal n’atteint nul animal
Qu’il n’y trouve son remède :
Quand la langueur le possède,
Il s’en sert contre son mal.
La terre à mont et à val
De ses simples puissants l’aide.
Le trait, blessant le Daim, cède
Au sain Dictame Idéal.
Nature aux Coqs salutaire
Montre la Pariétaire,
La Sidérite au Canard,
Le Jonc marin à la Grue,
À la Belette la rue :
L’homme ne sait rien sans art.
SONNET
POUR ENTRÉE AU SUJET DES SAINTS SOUPIRS, SUR
L’HOMME ANIMAL ET SPIRITUEL
D’un accordant discord s’entrechoquent en moi
Deux hommes en un homme, en un corps deux natures,
Deux formes en un être, et en deux créatures
Une personne humaine où un se double en soi.
En nous donc n’étant qu’un, où deux pourtant je vois,
S’accordent discordants, par rares aventures
D’une âme mi-partie au choc de leurs injures,
Ma chair et mon esprit à qui me fera roi.
L’esprit me monte en haut, la chair en bas m’atterre,
Si qu’en moi vrai chaos s’assemblent ciel et terre,
Mi-partissant mon cœur qui chancelle entre deux.
Or’ le bien, or’ le mal tout à coup je désire,
Puis la chair me fait choir au mal que je ne veux,
Mais l’esprit me relève et fait qu’au bien j’aspire.
Ce Monde, comme on dit, est une cage à fous,
Où la guerre, la paix, l’amour, la haine, l’ire,
La liesse, l’ennui, le plaisir, le martyre
Se suivent tour à tour et se jouent de nous.
Ce Monde est un théâtre où nous nous jouons tous
Sous habits déguisés à malfaire et médire.
L’un commande en tyran, l’autre, humble, au joug soupire ;
L’un est bas, l’autre haut, l’un jugé, l’autre absous.
Qui s’éplore, qui vit, qui joue, qui se peine,
Qui surveille, qui dort, qui danse, qui se gêne
Voyant le riche soûl et le pauvre jeûnant.
Bref, ce n’est qu’une farce, ou simple comédie
Dont, la fin des joueurs la Parque couronnant,
Change la catastrophe en triste tragédie.