LA PUNITION
L'institutrice était insomniaque.
À trois heures du matin, avant l'aube d'une journée
torride, elle allumait sa lampe de chevet et se levait.
Pieds nus, dans sa chemise de nuit à fines rayures
mauves, elle traversait la vaste chambre que nous
partagions pour se diriger vers le lit où je dormais
du plus profond sommeil de l'enfance.
Tournoyant autour de ma couche, elle y tissait – de
ses pas légers et têtus – une danse étrange, en forme de
nasse. L'obstination aiguë de son regard traversait la
couverture bleue dont je m'enveloppais la tête, trans-
perçait le duvet des rêves ; m'arrachait, par lambeaux,
à la nuit, me forçant à me redresser, à m'asseoir, tout
engourdie, hors du moutonnement des draps.
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