AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

3.56/5 (sur 9 notes)

Nationalité : Canada
Biographie :

Romancière et nouvelliste, Andrée Laurier étudie la traduction à l'Université de Montréal, où elle se passionne pour près d’une dizaine de langues. Après avoir œuvré quelque temps comme traductrice, après avoir fait plusieurs voyages, elle devient journaliste, rédactrice, puis interprète. Elle publie son premier livre, une novella, en 1995 et se consacre de plus en plus sérieusement à l’écriture à compter de cette date.

Elle vit à Ottawa.

Source : diverses
Ajouter des informations
Bibliographie de Andrée Laurier   (9)Voir plus

étiquettes
Videos et interviews (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de

Grandes Voix Francophones présente Andrée Laurier


Citations et extraits (9) Ajouter une citation
C'était un de ces restaurants entièrement faits de plastique qui essayait de se donner un air intime et vieillot. Ce qui donnait une atmosphère bâtarde unique. Rideaux syspendus le long du plafond, banquettes de similicuir rouge agrémentées ça et là de coussins qui glissaient et s'étaient salis. Lampes à abat-jour qui n'arrivaient pas à occulter l'éclat de l'alu qui courait le long des tables de lino, grandes fenêtres carrées, plantes artificielles nichées haut dans des jardinières en macramé bariolé, etc. Mais il y avait de la place pour danser. Ce qu'on ne fit pas; on avait trop faim. Il faut dire que le menu, sur un bout de feuille sous plastique devant chaque convive, invitait la curiosité...
Quand on leva les yeux du menu, on aperçut la nièce du facteur, Josée. Elle fit des salutations assez mondaines, parut charmée de voir qu'il y avait autant de convives et fit sortir le chef pour le présenter au groupe. Les vieillards inconnus qu'on avait ramassés devant l'église applaudirent à tout rompre à la vue du barbu aux gros sourcils sous la toque, qui avait le torse d'un Minotaure et de gras doigts boudinés. Énorme, à tous points de vue. Il inclina la tête de bonne grâce, un peu agacé, et disparut derrière le rideau qui masquait la cuisine.
-- J'ai des doutes, dit Marius, qui aime voir où l'on prépare la bouffe, dans un restaurant. Jamais vu pareil menu...
Alex et Leblanc regardaient les verres de lait caillé alignés sur un comptoir et se faisaient des commentaires obtus à voix basse.
-- Non mais décrispez un peu ! j'ai dit. Tiens, ils passent de la vodka ! En effet, à la russe, à jeun, direct dans l'oesophage sans s'attarder, pure comme de l'eau de roche.
La vodka dans le gosier, on a eu brusquement l'impression d'une grande chaleur.
Commenter  J’apprécie          10
Dans le soleil. Je suis là. Nous avions les mains aplaties sur le tissu du lit. Une surface couleur d'estuaire. Nous en parallèle. Comme sur un territoire à conjurer. Le prochain souffle à prendre. C'est là que s'arrête le fleuve. Pour grandir à l'insu. Nous baignons dans le jour, deux nixes intriguées par la terre ferme. Nous attendons, sans l'avouer. Peu importe quand, avec qui, à quel rythme, l'amour doit baigner dans sa propre conviction. Les sirères toujours prient, quoiqu'on l'ignore. Depuis l'intérieur sensible de mes paumes, je fais le tour du passé revenu chez Néréis, qui elle est maintenant. Ces bras, cette tête : Hélène aussi. À côté de qui est moi... Le haut du corps qui émerge toujours. Notre part la plus reconnaissable, nulle autre. Nous avons des mètres de peau ouverte comme l'océan envelopperait, borderait, à nous épargner le temps. La divinité n'est qu'un mouvement d'organes qui s'interrogent dans l'obscurité. Les sirènes ouvrent l'espace et l'enclosent... Elle tient ma tête contre son cou, nos visages sont encore tournés vers le soleil et la ville. Dans une espèce de musique en douce marée de sang paisible. Baignons... Le chant s'appelle vivire, et le parcours a ses récifs. Mais toutes les séductions nous précisent. Dans l'air de cette île humide, des vagues vont de nous à d'autres, puis des autres à nous. Sommeil. Une plénitude attend. Vous viendrez. Vous viendrez, Bruno, Hugues, Jacques et Dat, Raphaëlle ou Marie ou Puce, puis vous aimerez oublier vos noms. Sur le miroir de l'eau. Dans le courant d'une candeur. Vert tendre. Vous dépouiller du trop tangible. Entendez le chant vous perdre. Pour vous retrouver ailleurs et autrement.
Commenter  J’apprécie          10
Devant nous s’érige un paquebot. De près, on dirait une enclume massive. Mais sa proue est fine : il y a une raison à la coque noire. Elle arrêtera le temps, coupera le plat de l’horizon et fendra les vagues dans leurs mouvements, de sorte que tout existera bientôt autour du transatlantique. Et que le monde connu se pliera le long de ses flancs.

Mais regardons. Vous allongez de votre présence un ruban d’êtres humains plus ou moins patients. Vous n’avez plus d’âge précis. Moi non plus. Et nous attendons, regardant qui nous entoure. D’autres s’apprêtent à embarquer. Je distingue immédiatement un homme aveugle. Seul. Il se dirige vers la file de passagers, la tête haute. Ses lunettes de soleil, parfaitement opaques, reflètent un pan de ciel bleu et blanc. Et tout cela bouge.

Des voitures stationnent où elles le peuvent. Beaucoup de gens sont vêtus de noir. Certains se tiennent à un chapeau. Les hommes, surtout. Les femmes ont des résilles, et abritent leurs jolies coiffes sous une série d’épingles longues, parfois perlées, qui se hérissent tout doucement à mesure que le vent gode sous la passerelle où monte une longue enfilade de corps humains.

Avant de s’élever vers le ciel où les attendent les ponts du paquebot, ils ont tous vu le nom peint sur l’immense pointe fontaine de la coque, nom qu’ils associeront à des yeux gris : Athenia, le premier transatlantique de ce nom.

C’est le premier de tous les mai du siècle. Et le premier jour de ce mois de mai.
Commenter  J’apprécie          10
La danse a lieu dans un paysage de brume, où le soleil est une opale éclatée, une opale à centre vert. Des acacias, à distance, lancent leurs branches tortueuses et douces vers l’horizon, des deux côtés du monde vu.

L’image bouge. Un homme et une femme paraissent, découpés dans ce cadre de laitance qui rayonne. Ils sont habillés d’anciennes couleurs aux tons pris à la nature. Marron des écorces, pourpre des fleurs, grenat aux rappels de sang dilué d’eau. Partout le vert, et une promesse de bleu.

L’homme et la femme. Aux tête inclinées. Un peu.

Ils sont liés. Unis. Tout le long du corps. Et du temps.

Leurs couleurs se fondent en une opacité chatoyante contre la lumière qui les touche, les découpe. Mais c’est à leurs bras, levés à l’horizontale, paumes ouvertes vers lui comme s’ils portaient le ciel – c’est à leurs bras qu’on les reconnaît. Leurs bras qui démarquent l’image. Qui les distinguent de la peur ambiante. Ils sont l’axe du visible, le centre d’un univers latent. Leurs bras tendus, en surimposition. Un rien de tristesse dans l’angle de leur nuque, les yeux presque clos. Aucun rythme n’est plus beau ni plus lent que celui de leurs membres par qui la terre parle, et qu’ils allongent au large de la passion ou d’une tendresse ancienne, au-dessus de leurs têtes lumineuses. Ils tournent autour d’eux-mêmes, deux météores de chair. Lentement. Dans un brun soupir. Avec la gratitude de l’éternité.
Commenter  J’apprécie          10
Je suis la plus vieille. Je suis revenue. Je suis l’inattendue. La mort m’approche sans conséquence. Elle n’a pas réussi à me vaincre. Ni même à ses troisième et quatrième visites. Je suis là. Je suis Hélène. La plus vieille. Ressurgie dans une vie qui porte ce nom d’Hélène Roberts, Hélène. Roberts. À son cinquième passage.

Si ce n’était la souffrance, je crois que mes morts auraient été vite oubliées. Elles m’auraient filé entre les os et la chair. Tant de morts parmi nous, chaque jour que le soleil trace. Je suis d’abord décédée sur de la glace noire à 29 ans, dans un choc de carrosseries. J’ai été projetée sur une autre victime. Une déviation. Je me suis réveillée dans un corps débile sans mémoire. Et je suis restée une plaie ouverte.

J’ai voulu tuer ce corps idiot et j’avais réussi, deux fois. Mais on m’a remise en vie, deux fois. Ainsi le voulut le progrès. Mais j’étais un corps sans identité, ignorant toujours ma première existence.

Et je suis encore morte quelques années plus tard. Près de gens qui tenaient à ma vie plus que moi. Je suis morte par épuisement. Mon corps rapiécé ne pouvait plus me supporter ou me contenir. On m’a mise en terre entre deux arbres près d’un chalet haut perché sur un lac noir. Ma quatrième mort.

Je tiens à ce qu’on m’imagine sur un fond noir. Couleur de la terre sous la pluie. Ou du sang trop vieux.
Commenter  J’apprécie          10
La maison était restée pareille, au bout d'une rue grevée d'arbres, sur un flanc cossu de la montagne. Elle était assise dans son cul-de-sac, visible d'en haut, mais pas d'en bas. On ne peut imaginer plus insolente discrétion. De cette maison, on a Montréal à ses pieds, et des édifices entassés dont la ligne commence net, en bas, comme une foison de boutons-poussoirs. Elseva ne savait rien de ma visite. Sa maison détestait les formalités. On y était accueilli ou chassé immédiatement. Telle était la maison d'Elseva, sans heure, sans lieu, presque sans adresse. L'immeuble avait une gueule inouïe, un sourire comme le chat du Cheshire, qui attendait Alice. Un sale caractère sous des dehors sereins. Je me suis annoncé dans le rectangle sombre d'un haut-parleur et la porte s'est ouverte sans bruit. Personne derrière. Quand on entre chez Elseva, on ne se méfie pas, d'abord : on se trouve dans un hall moderne à tons chauds, propres et neutres. Puis on longe un couloir, qui fait de plus en plus
ancien à mesure qu'on avance. Soudain, on perd le sens du temps, on cherche l'époque. Et aussi subitement, quand on se croyait aguerri, on se trouve dans une salle de bal au damier de marbre. C'est énorme, comme une éclaircie. On pouvait se sentir tout petit. Elseva soigne ses contrastes..
Commenter  J’apprécie          10
Aller vers une disparition sans briser trop vite avant, et ne rien briser en route, voilà qui demanderait des états de tendresse, bien sûr, c’est ce qu’Hélène racontait au ciel et que Davida n’entendait plus, à force de la guetter de trop près. Il n’y avait pas d’autre porte valable au rêve sans fin, juste la bonté calme qui aplanirait le monde et dresserait les autres en faisant briller leurs yeux. Sinon, l’après-mort serait infernale. Il fallait savoir calmement naviguer, même dans les rêves à vif. Nous sommes. Gardiens du vivre lorsque nous partons. Oui. Bien sûr, se dit Hélène. Tous les mourants le savaient depuis l’instant de leur naissance, voyons. Peser ici, vers l’ombre au pied des conifères bruissant.
Et s’enchanter une longue et dernière fois, avant que le songe ne l’emporte. Ainsi une femme assise espérait-elle. En finir avec les simples textures du pragmatisme. Accepter que tout s’arrondisse et devienne vaste autour. Se détacher comme on danse. Sentir vibrer la barcarolle cinglante des humains. Atténuer toutes les présences pour mieux les enrichir. Alléger les vies voisines d’abord. Et tâcher de réussir au moment où tout s’arrêterait pour se transformer. Le départ vers l’autre côté des évidences. Et sans mentir désormais!
Commenter  J’apprécie          10
Hélène se sent télécommandée dans le temps, dans tous les temps de sa vie défaite, et même plus loin, plus profondément en elle. C’est ce que je me dis. Et ça répond à une espèce de logique: on la télécommande depuis le début! D’autres lui ont créé son existence, depuis le coma. Sa vie, sa personnalité. C’est toujours d’autres! Jamais elle! Une femme devant des miroirs déformants… Brisés. Avec un tas de reflets. Et nous, on essaie de guider ces reflets, on décide toujours pour elle — c’est la seule façon. Mais elle, elle ne décide jamais… D’après toi, est-ce que c’est vivre, ça? Est-ce qu’elle ne t’a jamais dit — en fait, elle a dû te le répéter — qu’il y a vingt ans à peine, elle n’aurait pas survécu à cet accident? Tu ne vois pas? Elle-même se sent artificielle! Elle tremble au-dessus d’un volcan.
Commenter  J’apprécie          10
Le temps pouvait se comporter comme de l’eau pour Myriam B. Gers, bien avant qu’elle adopte les déserts comme lieux de réflexion. Son seul parent connu était navigateur, et peut-être est-ce pourquoi l’espace, lui aussi, se mit à couler autour d’elle à un noeud décisif de son existence.

Des gens se joignirent à elle. Le plus simplement du monde. Un jour blanc, elle faillit tomber mais fut rattrapée juste à temps par deux étrangers qui lui saisirent les bras.

De son appartement, elle les avait souvent regardés à la verrière du café en face de chez elle. Ils étaient experts en attente ; s’asseyaient parfois à la même table, mais ne semblaient jamais se parler. Le jeune homme se nommerait Yacek et la jeune femme, Alba. Il était brun, grand, fuselé ; elle, miel, fine et vive.
Commenter  J’apprécie          10

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Andrée Laurier (2)Voir plus

Quiz Voir plus

Les acteurs et les actrices chez Hitchcock ....

Très connue, après un vrai mariage princier, il s'agit de ...

Janet Leigh
Tippi Hedren
Grace Kelly
Kim Novak
Ingrid Bergman

10 questions
132 lecteurs ont répondu
Thèmes : cinema , anglais , américain , acteur , ActricesCréer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *}