Comme l'a fait remarquer Karl Barth, il n'existe aucun fondement biblique permettant de nier que les animaux ont une âme et qu'ils ont un esprit. La Genèse (1:30) dit clairement que le "souffle de vie" divin (nephesh) est présent chez toute créature vivante. Le psaume 36 (6b) dit carrément : "Tu gardes, Ô Eternel, les hommes et les bêtes." Il y a aussi dans l'Ecclésiaste (3:9-21) ce rappel à l'humilité : "Car le sort des fils de l'homme et celui de la bête sont pour eux un même sort ; comme meurt l'un, ainsi meurt l'autre. Ils ont tous un même souffle, et la supériorité de l'homme sur la bête est nulle ; car tout est vanité. Tout va dans un même lieu ; tout a été fait de la poussière, et tout retourne à la poussière. Qui sait si le souffle des fils de l'homme monte en haut, et si le souffle de la bête descend en bas dans la terre ?"
Quelle que soit l'interprétation la plus juste de ses écrits, il est certain que la postérité de Descartes, en ce qui concerne les animaux, aura exercé une influence entièrement négative. Le mouvement formé par ses disciples - le cartésianisme - a bel et bien légitimé la maltraitance des animaux. Comme le rapport un témoin, ses disciples de Port-Royal "frappaient leurs chiens et disséquaient leurs chats sans pitié, riaient de quiconque leur témoignait de la compassion et comparaient leurs cris au bruit de machines que l'on casse". Quand bien même ce commentaire serait exagéré, il indique que le lien entre penser que les animaux ne sont que des automates et les traiter comme on traite des automates est devenu une tradition culturelle en l'espace de quelques générations. Quelles que soient les qualifications intellectuelles caractérisant ce que Descartes avait vraiment voulu dire ou n'avait pas vraiment voulu dire, le mal était fait : le mythe selon lequel les animaux ne seraient que "des bêtes stupides incapables de sentiments" avait pénétré l'imagination populaire.