Anje Petitpic

Son père dirigeait une grosse étude notariale et était un membre influent du Rotary. Mais je ne l’ai su que plus tard. Elle, Roxane – je ne sais quelle mouche l’avait piquée ou plutôt quel démon – avait décidé de jeter sa coiffe aux orties, de brûler sa jeunesse par les deux bouts, d’expérimenter tout ce qu’on lui avait représenté, dans son éducation bourgeoise, comme de la dépravation, du péché, de la déchéance, de l’indignité et même de la vulgarité. Ce besoin d’émancipation, à ce qu’elle m’avait raconté, lui était soudain venu en terminale du lycée pendant un cours de philo où le prof leur avait parlé du libre-arbitre et de la nécessité absolue de connaître avant de juger. Elle l’avait pris au mot et, à la fin de son cours, elle l’avait attiré – oui, le prof – dans un placard à balais et l’avait proprement violé. S’en était suivi une période de découvertes et d’expérimentations où elle avait contraint ledit prof, dans des chambres d’hôtel, des parcs, des caves, des abris de jardin, à s’adonner avec elle à toute la panoplie des ébats sexuels qu’elle n’avait approchés jusque-là que dans son imagination (se nourrissant d’écrits et d’images interdits et s’adonnant à des masturbations honteuses et frénétiques.) Puis, le prof étant épuisé, elle s’était rabattue sur d’autres partenaires prometteurs... Je ne fais que vous répéter ce qu’elle m’a raconté le soir où je l’ai rencontrée et où elle a jeté son dévolu sur moi.
Je suis assez bel homme, comme vous pouvez le constater, et je dégage un sex-appeal assez exceptionnel, c’est du moins ce que m’affirment les multiples conquêtes que je fais parmi les starlettes qui espèrent tourner dans les publicités créées par mon agence en imaginant que cela leur permettra de devenir par la suite des vedettes internationales du cinéma. Entre nous, je m’en voudrais de les détromper, elles forment un cheptel d’agnelles assoiffées dont je me plais à tondre la laine. Elles sont comme des vallons d’herbe tendre que je broute avec délices.

L’homme ne s’habitue jamais à mourir. Pas plus qu’à naître. Tout juste à souffrir. (Aphorismes et Vieilles Dentelles de Marcellin Pastishon. 1)