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Citation de Tempsdelecture


C’est un printemps contre nature. Il fait si chaud que Materia a peine à bouger. Elle est énorme. « Que peut-il bien y avoir à l’intérieur ? se demande James. On dirait un boulet de canon de trente centimètres. » Malgré tout, elle se rend à l’église tous les matins avec ses deux enfants dans le vieux landau anglais de Kathleen. Mme MacIsaac, qui la voit passer près de la pharmacie, s’inquiète d’elle : personne ne devrait être si près de Dieu. Mme MacIsaac l’invite à boire un soda à la framboise. Materia refuse – tout l’écœure -, mais les petites boivent et, après, arborent de petites moustaches roses.

Plus elle grossit, plus elle prie, car James a de nouveau cessé de l’approcher et Kathleen est chaque jour plus jolie et insouciante. Materia les voit la tête penchée sur une ardoise ou figure une addition ; elle voit Kathleen sautiller devant lui dans sa robe toute neuve ; elle voit son visage quand la petite chante juste pour lui.

Ensevelie sous la chair, Materia n’arrive plus à respirer à fond. Dès le mois de juin, elle dort sur le lit de camp de la cuisine. Plus d’escalier pour elle. Le bébé lui prend toutes ses forces – elle n’épie plus ni James ni Kathleen, pas dans son état.

Elle n’a plus rien à se mettre. De trois robes, elle en fait une: boutons de rose devant, taffetas vert sur les côtés, tissu écossais derrière. Elle passe une journée à son aise mais, à son retour, James s’écrie:

-Au nom du ciel, qu’est-ce que c’est que ça ?

Elle lui demande de l’argent. Elle achète les chutes d’un rouleau de calicot à motif floral extravagant et, avec l’aide de Mme Luvovitz, se confectionne trois amples robes. Mme Luvovitz lui propose à la place quelques mètres de mousseline bleu pâle, mais Materia n’en veut pas. Les fleurs lui plaisent. James secoue la tête, mais ne dit rien.

A cette époque-là, Materia n’arrête pas de marmonner ; ses lèvres bougent sans cesse, qu’elle raccommode une chaussette ou change une couche. Pis encore, quand elle se rend à l’église, lente comme un glacier.

-Je t’interdis de te promener sur l’avenue Plummer en parlant toute seule.

-Je ne parle pas toute seule.

-A qui parles-tu?

-A Marie.

Seigneur Dieu!
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