Depuis quand m’a-t-elle quittée ? […]. Je ne l’entendrai plus protester et refuser […]. Elle est rentrée dans la lumière lointaine des trois siècles passés, et elle me l’envoie en pleine figure en m’aveuglant […]. Artemisia ne répond pas, son éloignement est incommensurable, stellaire. À la fin je reconnais sa suggestion muette dans ma répugnance pour sa vie à Naples […]. Je l’ai poussée à adopter le comportement d’une mère seule et imparfaite, d’un peintre à la valeur douteuse, d’une femme altière mais faible, d’une femme qui voudrait être un homme pour échapper à elle-même. Et je l’ai traitée de femme à femme, sans discrétion, sans respect viril. Trois cents ans supplémentaires d’expérience ne m’ont pas appris à racheter les erreurs humaines d’une compagne ni à lui reconstruire une liberté idéale, celle qui l’émancipait et l’exaltait au cours des heures de travail si nombreuses […]. On ne peut, je l’admets, rappeler à la vie et comprendre un geste exprimé il y a trois cents ans : à plus forte raison un sentiment, et ce qu’était alors tristesse ou joie, remords ou tourment soudain, pacte de bien et de mal. Je me repens : et après un an où les ruines sont ruines […] je m’en tiens à ma courte mémoire pour condamner cet arbitraire présomptueux qu’est le partage, avec une femme morte trois siècles auparavant, des terreurs de mon temps. Il pleut sur les ruines que j’ai pleurées […]. Les deux tombes d’Artemisia, la vraie et la fictive, sont maintenant identiques, poussière respirée. Pour cette raison, non plus exaltée, mais secrètement expiée, l’histoire d’Artemisia continue