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Citation de missmolko1


Au moment où la musique commença à résonner dans la pièce, Margido releva la tête et son regard s’échappa vers la fenêtre de son bureau. La mélodie et le texte étaient d’une telle beauté que cela le prit tout à fait au dépourvu. Un long moment, pendant qu’il relisait le programme du déroulement des obsèques et vérifiait une troisième fois les dates au cas où il aurait laissé passer une erreur, il n’avait prêté qu’une oreille distraite à ce que disaient de jeunes hommes dans un studio de radio en parlant tous en même temps de la manière dont ils avaient travaillé pour sortir leur premier album.

En dehors de la nef de l’église ou de la salle de cérémonie, la musique n’occupait pas une grande place dans sa vie, il n’avait même pas de chaîne hifi chez lui. Mais la radio était souvent allumée avec le son assez bas quand il était seul au bureau. Il adorait les beaux psaumes et il était presque toujours ému par la musique que les proches choisissaient pour les funérailles. Il y était question de perte, de chagrin, de la vie telle qu’elle avait été vécue jusqu’à l’instant où la mort avait pris le relais.

Il fut frappé par la pensée qu’il n’y avait pas au fond une énorme distance entre la grande beauté et le chagrin. Car la musique qu’il écoutait maintenant, alors qu’il s’était attendu à de la musique de jeunes qui cassait les oreilles, était d’une beauté indicible, et elle lui procura une grande joie parce qu’il était joyeux au départ. Tandis qu’il y avait peut-être une autre personne quelque part qui écoutait la même musique, une personne plongée dans une si grande douleur que la mélodie et les mots étaient trop difficiles à supporter. Il pouvait rester ici à regarder par la fenêtre et s’adresser un petit sourire de connivence, cependant que l’autre personne voyait sa plaie se rouvrir en grand et était malheureusement obligée d’éteindre la radio pour ne pas en entendre davantage. Étrange, pensa-t-il, à l’image de la vie elle-même, tout aussi imprévisible.

L’imprévisible était son quotidien et la mort était son gagne-pain, c’était son boulot de faire le ménage après elle, de lisser les choses, de l’embellir avec des fleurs et des bougies, de veiller à ce qu’aucun détail ne soit négligé. Malgré cela, il était heureux d’être là.
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