On a dit que le rescrit de Trajan, que ses successeurs n'aboliraient pas, avait installé pour près d'un siècle un état de persécution permanente. Ce n'est pas tout à fait vrai. Une persécution permanente eût signifié des poursuites continuelles et systématiques, ce qui, au demeurant, aurait eu le mérite de la logique. Il faudrait parler en vérité d'état d'insécurité permanente, le christianisme, toléré un jour, pouvant être dénoncé le lendemain et une cité d'abord accueillante se muer, sur un mouvement d'humeur, à la suite d'un désastre ou d'une catastrophe naturelle, en piège mortel pour la communauté.
Cette tension morale, cette appréhension constante ont été le quotidien, partout, de quatre générations chrétiennes, à la merci toujours d'une dénonciation particulière ou collective de leur voisinage. Voilà comment Trajan et Hadrien, qui n'étaient ni l'un ni l'autre des persécuteurs véritables, firent, par leur législation, bon nombre de martyrs.