Anne Courset-Stien

oeur Silex

Elle se rendait compte qu’elle n’avait pas d’amis. Ne lui avait-on pas seriné que le monde du travail était fait de jalousies, d’opportunisme, de rivalités et de plans douteux. Elle s’ennuyait et ces jours gris, sans aucune marque d’affection sincère, lui sapaient le moral. Elle se laissa tomber sur le canapé qui émit un grincement de protestation. Il faudrait le remplacer. Sa vie lui apparut telle qu’elle était, vide de sens, sans aucune espérance. Le prince charmant s’était endormi pour de longs siècles. Elle allait au bureau avec l’envie de faire demi-tour. Son patron, surnommé le Boss, avait coutume de lui passer la main dans le dos et même un peu plus bas. Elle en frissonnait de dégoût. Son haleine chargée lui soulevait le cœur. Rien d’un Adonis. Mais c’était le seul être humain qui s’intéressait à elle…………

Elle s’assit au bord du chemin et se mit à pleurer. Cela lui fit du bien et elle put réfléchir plus calmement. Elle évoqua leur vie de couple, les déménagements subits et injustifiés, le comportement taciturne de Serge. Et si ce n’était pas la première fois qu’il agissait ainsi ? Elle ne s’était aperçue de rien et jamais il ne l’avait sollicitée pour quoi que ce soit, jusqu’à présent. Néanmoins, il ne fallait pas exclure cette hypothèse, il avait changé de tactique et cela faisait peut-être partie d’un plan. Allait-elle rester comme une bûche et continuer à le dorloter en fermant les yeux ? Il fallait trouver une solution. Partir et ne rien dire ? Cela lui parût lâche et elle était persuadée qu’il la retrouverait, de toute manière. Le dénoncer ? Sur quelle preuve, elle n’en avait pas. Une feuille morte et un peu de terre ne suffisaient pas à constituer un indice. Et elle n’allait pas retourner tout le jardin et les bois des alentours ! En somme, elle vivait avec un psychopathe. Elle était sûre de ne pas se monter la tête, cette fois. Une impression sinistre l’environnait, elle regarda le ciel bas et gris, les peupliers qui frémissaient dans le vent, la route déserte. Il n’y avait pas âme qui vive, elle était seule et elle s’était fourvoyée dans cette vie à deux qu’elle croyait limpide.

Ceux qui partent ne sont séparés
De ceux qui restent
Que par l’apparence des choses