J'ai d'abord découvert Angkor du haut d'un éléphant, un de ces lourds et vilains animaux généralement d'une douceur et d'une complaisance à toute épreuve. En route vers l'antique cité royale khmère dans le petit matin, les stridulations des insectes... et les embardées de la jeune éléphante craintive qu'on m'avait attribuée ! Nous étions aussi novices l'un que l'autre : elle avait peur de tout, le moindre bruit, la moindre branche, malgré ses deux mètres et ses deux tonnes, et de mon côté je faisais mes premiers pas à dos de pachyderme. On y est haut perché, croyez-moi ! Et malmené. La nacelle roule et grince terriblement. Les yeux fermés, c'était pour moi le mal de mer qui revenait.
J'étais jeune enseigne de vaisseau, j'avais vingt-quatre ans. En arrivant à Angkor pour la première fois ce dimanche 24 juin 1866, j'étais sur le point de connaître la même révélation qu'en vous rencontrant dans le train, presque dix ans plus tard jour pour jour. Mon coeur allait enfin trouver un objet à sa mesure.
Elle s'abandonne à cette annexion clandestine de son cerveau sans résister. Elle sent combien s'entrelacent intimement sa vie secrète et celle de son explorateur. Peut-on dire avec certitude qui est véritablement le parasite de l'autre? Voyons, que retient-on du bois de santal? Son parfum aux vertus apaisantes et inspirantes ou le fait que ses racines puisent leur force dans d'autres?