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Citation de mimo26


— Rosaline, c’est maman.
— Ah merde !
— Je te remercie pour l’accueil…
— Non, non, c’est pas ça… je viens de piler dans de la crotte de chien.
Évidemment, je ne pouvais pas me contenter de me rendre tranquillement à la table en jasant au téléphone avec ma mère, il fallait que je marche dans la merde d’un chien que son maître n’a pas eu la décence de ramasser.
— Maman, je te rappelle.
Je raccroche pour analyser le tout. Comme je n’ai pas eu la présence d’esprit de l’enlever aussitôt que je l’ai mis dans la merde, mon pied est bien enfoncé, et les talons de mes escarpins ont eu le temps de s’enliser assez profondément dans le gazon trop mou. Finalement, l’idée de m’aventurer en chaussures fancy dans un parc au gazon encore humide n’est pas la meilleure que j’ai eue. En tentant de faire un pas, je perds mes deux chaussures, restées bien ancrées dans le sol. Je bascule vers l’avant pour me retrouver étendue à plat ventre dans le gazon, en bas de nylon.
La scène doit être belle à voir ; moi, couchée sur le ventre, ma robe sous les hanches, le contenu de mon sac à main éparpillé sur le sol, ma salade qui vole au vent et mon orgueil fortement écorché. Je jette un rapide coup d’oeil aux alentours dans l’espoir d’être seule dans ce parc. Malheureusement pour moi, un policier à vélo pédale déjà dans ma direction. La honte à la puissance mille, je me relève pour admirer le désastre qui m’entoure.
— Êtes-vous correcte, madame ?
— Eille ! Lâchez-moi le « madame » ! Non, je ne suis pas correcte. J’ai l’air d’une folle, j’ai pus de lunch, mes beaux souliers sentent la merde et leurs talons sont finis, tout le parc a vu mes fesses et j’ai honte…
Vu que je n’ai pas cet aplomb, ça ne sonne pas tout à fait ainsi, mais plutôt comme :
— Oui, oui, merci, ça va aller…
Pendant que je cherche un peu de dignité parmi mes effets personnels étalés par terre, je lorgne discrètement le policier qui s’affaire à me donner un coup de main. Début trentaine sans doute, de taille moyenne, légèrement sculpté au niveau des biceps et des cuisses ; sous son pantalon de travail se dessine une paire de fesses rondes à souhait. Dommage qu’il cache ses yeux sous des lunettes de style aviateur…
— Merci de votre aide…, dis-je en replaçant ma robe.
Je ramasse mon sac à main dans lequel j’empile sans ménagement portefeuille, Post-it, rouge à lèvres et cellulaire. Comme si je n’avais pas eu mon lot d’humiliations, le policier me tend mes quelques tampons super absorbants et mon paquet de mouchoirs à motifs de coeurs. J’ai les joues tellement rouges qu’elles matchent maintenant avec mes escarpins, toujours bien enfoncés dans la terre… et la merde.
— Ne bougez pas, je vous les sors de là, m’informe le policier.
Là, debout, les bas de nylon parcourus de mailles, je regarde le policier s’activer. Évidemment, l’affaire ne peut pas être simple… Le talon du soulier droit est resté coincé dans le sol, alors que l’autre partie se retrouve dans la main du policier, me faisant du même coup une ballerine. Le policier, grimaçant de dégoût, retire la seconde chaussure avec plus de précautions et, d’un air désolé, me tend la paire maintenant dépareillée.
— J’imagine que c’est ce qu’on appelle être dans la merde…, soupiré-je, au bord des larmes.
— Il ne faut pas voir ça comme ça…
— Je ne sais pas comment il faut que je le voie, mais je n’ai pas d’autres chaussures, mon auto est à cinq minutes de marche, et j’ai un rendez-vous important dans à peine une heure. Et regardez-moi, j’ai des mailles plein les bas, ma robe est mouillée et mes souliers…
Sans ajouter un mot, le policier met un genou par terre et, tel un prince, m’enfile la « pantoufle de merde ». Je dois admettre que c’est le geste le plus romantique qu’on ait accompli pour moi de toute ma vie. Je me sens littéralement comme Cendrillon ; je suis en haillons devant un prince très
charmant. Comme s’il pouvait lire dans mes pensées, il termine en disant :
— Princesse, je crois que cette chaussure vous appartient.

:-)
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