Mais, sur l’art, le sociologue s’est constamment trouvé confronté à la redoutable résistance de l’objet étudié, dont la valeur ne se laisse pas si facilement réduire à ses visées. Au moment où il doit fournir ses propres interprétations, il semble obligé de choisir : opter « en dernière instance » pour le statut irréductible de l’œuvre d’art, ou réduire celle-ci à une illusion, en faire l’enjeu arbitraire d’une construction sociale. Il reconstruit là l’opposition que son travail devait avoir périmée, entre la représentation qui reconnaît l’objet et celle qui le rapporte à la croyance du groupe.
L’objet de ce livre est instable, comme celui de la musique. Il vise à faire une sociologie de la passion musicale qui en respecte les médiations propres, qui n’écrase pas sous les instruments de l’analyse la réalité analysée. Il tente aussi l’inverse, une théorie de la médiation formulée depuis la leçon que donne la musique. Pour cela, il fait un long détour par les sciences sociales, afin de comprendre le traitement qu’elles réservent à l’œuvre d’art, à son « contexte », et surtout à leur difficile mise en rapport, en comparant le cas des arts visuels et celui de la musique.
« La musique [est] le suprême mystère des sciences de l’homme, celui contre lequel elles butent, et qui garde la clé de leur progrès. »
C. Lévi-Strauss, Le Cru et le Cuit