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Citation de Charybde2


Comme par un fait exprès, à la première occasion nous avions perdu la guerre. Celle par laquelle s’ouvrait la série, en grande pompe. Nous n’avions d’ailleurs pas tardé à perdre la seconde. Pour ceux qui savaient lire, on imprimait dans les manuels d’histoire que le commandement allié s’était trouvé affaibli par des luttes internes.
Nous autres, le petit peuple, nous ne cherchions guère à discuter des responsabilités véritables : la tête dans les épaules, un peu étonnés de n’avoir pas été déchiquetés et de pouvoir circuler sans laissez-passer, nous profitions de notre maigre paix. Il y avait du pain aux carrefours, des sucreries les jours de fête. Nous nous étions habitués à l’aube grise, au ciel putrescent de pluies glaciales, aux convois partant à la fin du jour. Puis était venue la troisième guerre, la plus longue, la plus affamante, la plus éloignée de tout ce que nous avions pu imaginer encore. Dès le début, nous avions espéré une défaite, avec tous les avantages qui d’ordinaire l’accompagnent et auxquels nous commencions à prendre goût : les cantines d’urgence des troupes d’occupation, la fraternisation dans les bas fossés et la poudre de chocolat distribuée à l’occasion des prises d’armes, pour ne pas parler des égorgements à la sauvette, au butin toujours juteux.
Le cessez-le-feu fut une surprise pour tout le monde. C’était à l’évidence une victoire rampante de l’ennemi ; au lieu de nous balayer militairement, ce qui lui eût demandé quelque chose comme quatre ou cinq journées bien remplies, il faisait un choix tactique de grande envergure. Voilà qu’il s’offrait de nous faire mariner dans notre écroulement pendant une ou deux générations. Ensuite de quoi se déroulerait la quatrième guerre, une blitzkrieg comme on en voit peu, et que nous perdrions, une de plus, mais cette fois-ci d’une manière horrible, sans flonflons au coin des avenues, sans caramels et sans guimauves. Avec seulement le bruit des cadenas nous flétrissant la tête. C’était moins drôle.
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