Je me souviens si bien du Pilate de ce temps-là, de ses yeux si bleus, de son esprit plus affûté que le glaive pendu à son côté. Nous étions certains que la Judée ne constituait pour lui que la première étape d'une carrière fulgurante.
- Qu'a-t-il écrit ? répétai-je.
- < < Jésus de Nazareth, roi des Juifs > >
- Gravez ceci sur sa croix, ordonna Pilate à Caïphe. En araméen, en grec et en latin.
Le grand prêtre blêmit.
- On ne peut pas écrire cela ! Je préfèrerais :
< < Il se disait le roi des Juifs > >
Pilate le toisa froidement.
- Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit.
- Fort bien, conclut Pilate. Son sang retombera sur vos mains, non sur les miennes.
Il fit signe à un serviteur.
- Qu'on m'apporte de l'eau.
Le tumulte de la cour s'apaisa. Tous les yeux se braquèrent sur Pilate lorsqu'il plongea les mains dans l'eau.
- Je me lave les mains du sang de cet innocent.
Pilate ne m'aurait jamais permis d'assister à une exécution publique dans cette ville au bord de l'insurrection qu'était Jérusalem. Évidemment, je lui aurais désobéi. Le danger ne m'a jamais fait peur; et personne ne m'a jamais empêchée d'agir à ma guise.
Avant tout, je dois préciser que je n'ai pas assisté à sa crucifixion. Si vous cherchez un témoignage sur cette scène tragique, vous ne l'entendrez pas de ma bouche.