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Citation de SZRAMOWO


Vous avez beau donner à la vie toute votre activité, toute votre foi, tout l'abandon sincère et désintéressé de vos meilleures énergies. Vous avez beau vous immerger, vivantes créatures, dans le vivant et palpitant devenir humain, jusqu'à sentir que vous ne faites qu'un avec lui, jusqu'à le recevoir tout entier en vous-même et sentir votre personnalité comme atome d'un corps, vibrante particule d'un tout, corde sonore qui reçoit et répercute toutes les symphonies de l'histoire, sentant ainsi que vous contribuez à la créer. Malgré cet abandon complet à la réalité ambiante, malgré cette liaison de votre individu avec le jeu compliqué des causes et des effets universels, vous ressentez tout d'un coup l'impression que quelque chose vous Manque, vous ressentez des besoins vagues, difficiles à déterminer, ces besoins que Schopenhauer appelait métaphysiques.

Vous êtes dans le monde, mais sans savoir pourquoi. Vous agissez, mais sans savoir pourquoi. Vous sentez des vides, et vous souhaiteriez des justifications à votre être, à votre action, et il vous semble que les raisons humaines ne vous suffisent pas, qu'en remontant de cause en cause vous arriveriez à un point qui, pour coordonner et régler le mouvement, a besoin d'une raison suprême explicable seulement hors du connu et du connaissable. Tout à fait comme celui qui, regardant le ciel et remontant de niveau en niveau dans l'espace que la science a mesuré, sent des difficultés toujours plus grandes à son fantastique vagabondage à travers l'infini, arrive au vide et ne peut concevoir ce vide infini, et le peuple alors inconsciemment de créatures divines, d'entités surnaturelles pour coordonner le mouvement vertigineux et cepen­dant logique de l'univers. Le sentiment religieux n'a pas d'autre matière que ces aspirations vagues, ces raisonnements instinctifs et intérieurs, sans débouché. Et tout le monde en garde dans le sang quelque trace, quelque frisson, même ceux qui ont le plus fortement réussi à dominer ces manifestations inférieures parce qu'instinctives, parce qu'impulsives, du moi individuel.
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