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Citation de Charybde2


Simplement, la critique est l’écriture d’une lecture. Pas seulement son récit (même si récit il y a). Pas seulement son jugement ou son interprétation (même si jugement et interprétation il y a).
Une fois qu’on a dit cela, on pourrait tout aussi bien aller se coucher. Il n’y a pas grand-chose à ajouter, hormis de sombres détails qui relèvent de l’intendance, laquelle suivra (comme n’importe quel écrivain se prenant pour un général vous le dira).
Par exemple que la critique raconte une chose assez dérangeante en soi mais néanmoins limpide : qu’il n’y a pas qu’une seule lecture. Que la lecture d’un critique, quel que soit son talent, est une proposition qui ne peut se suffire à elle-même et qui en attend d’autres. En effet, la critique n’est pas une opération solitaire : la Critique est un chœur discursif. Dialectique et constructif. Plus il est grand, plus il paraît chanter et discourir juste (moins les fausses notes d’un seul se font alors entendre). Et du chœur naît le ténor ou la diva. Le métier n’en a jamais manqué. Mais il s’agit là encore d’une opération critique, c’est-à-dire de distinction. Car telle est la fonction, pour ne pas dire la lutte finale, de la critique : distinguer. Un des verbes les plus troubles, les plus ambigus de notre langue. Quelque part entre élire et faire la différence. Ce n’est pas la même chose.
Ajoutons que, lorsqu’elle est bien tournée (i.e. vers les autres), la critique ne prend pas seulement la forme de l’écriture de l’aventure d’une lecture. Dans chaque œuvre, le critique est en expédition, en reportage. Va-t-il périr d’ennui ou de plaisir ? Se faire cannibaliser par l’œuvre ou bien la coloniser ?
Ainsi lire jugera.
Car il n’y a pas de vérité de la lecture : il ne peut y avoir qu’un jugement. C’est pour commencer un jugement de goût, ce dont la sagesse populaire s’est toujours méfiée : « Des goûts et des couleurs, on ne discute pas » affirme-t-elle avec l’idée qu’on entrerait là dans des arguties sans fin qui nous feraient perdre beaucoup de temps qu’on pourrait mieux employer ailleurs (sans jamais préciser toutefois où…). Charge donc à la critique d’ouvrir cette discussion absolument folle et qui heurte pour le moins le sens commun.
La critique ne craint pas de tourner en rond comme un chat après sa queue. Bien au contraire, dans sa forme parfaite, la critique se présenterait plutôt comme une ronde sans fin.
Jusqu’à preuve du contraire, les mots veulent dire exactement ce qu’ils disent. L’affaire du signifiant a bien sûr surgi de tous côtés comme un prurit au XXe siècle. Mais force est de reconnaître que le signifié a encore une belle partie à jouer. Les mots espèrent toujours trouver des lectrices et des lecteurs qui aient confiance en eux. Et plus encore les mots naissants dont beaucoup vont disparaître prématurément.
Des plaisantins peuvent toujours s’amuser à faire « l’éloge du mauvais lecteur », la vérité est qu’il n’y a pas de bon ou de mauvais lecteur. Il y a seulement des lecteurs plus attentifs que d’autres pour une bonne raison : on les paie pour le faire à notre place. Ce sont nos domestiques intellectuels, nos bonniches littéraires ; ce sont entre autres nos critiques.
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