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Citation de Luniver


« La vieille », c’était une cousine, une sous-institutrice en retraite, qui vivait avec une servante aux confins du village, dans une coquette maison qu’elle s’était faite bâtir. Vieille fille jaunâtre, ornée, vingt heures sur vingt-quatre, de bigoudis et de papillotes de gazette dans ses cheveux sauris par la teinture, elle portait un lorgnon à cordonnet sur un nez d’usurière et, dans la bouche, un râtelier mal adapté qui mordait dans la réputation d’autrui avec un drôle de petit bruit, tac-tac-tac, comme celui du claquet métallique d’un moulinet de canne à pêche. Avec ça, susceptible, autoritaire, lunatique, grande liseuse de coquecigrues savantasses, elle se croyait femme de haute sapience, déclarant que le wallon n’était fait que pour les rustres, les mal embouchés et les imbéciles. Elle ne parlait donc que le français, mais un français périphrasique et puriste qui, dans ce village sapide où le langage avait l’odeur du sol et l’accent de la rivière, détonnait et crispait comme le soliloque d’un cacatoès égaré dans une basse-cour.

Les subjonctifs compliqués avaient sa faveur. Un jour, en verve exceptionnelle, elle avait fignolé, devant ses collègues réunis en conférence, cette apostrophe historique :
« Faudrait-il, pour plaire à nos béotiens d’édiles, que les maîtresses d’école ramonassent elles-mêmes les cheminées des bâtiments scolaires ? »

Ce « ramonassent » était sorti si simplement, si plein, si rond, si lisse, si lubrifié, qu’il évoquait une ponte.

Mais à partir de ce jour, l’auteur de l’apostrophe ne s’était plus appelée que « mam’zelle Ramonasse » autant et aussi bien qu’elle avait été jusqu’alors Mademoiselle Sylvie Fripiat.
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