Tant qu'il a eu des inspecteurs, des proviseurs, des professeurs qui avaient une formation générale suffisamment solide, et assez de foi en leur métier pour prendre leurs distances avec les programmes et le cadre qu'on prétendait leur imposer, l'Ecole publique a survécu tant bien que mal. Mais quand le système a été porté par des fonctionnaires recrutés ou promus pour leur servilité et leur ignorance, il n'a fallu que quelques années pour qu'il s'effondre.
L'éducation nationale, c'est un peu le monde de Sergio Leone : "il y a ceux qui creusent". Il y a ceux qui prennent la route de Madrid à Séville, glosent sur les auteurs, écrivent, puis se retrouvent inspecteur, et puis il y a les soutiers, ceux qui sont dans leur lycée, depuis 20 ans, ceux pour qui l'Alhambra est une brasserie en face de leur gare perdue. Pour ceux-là, le chemin d'Addis-Abeba ou de Tolède est plus difficile à trouver.
Le problème d'un conseil de classe pouvait se résumer à celle d'un vaudeville : l'élève ou comment s'en débarrasser.
Les élèves ont de l'histoire de France une maîtrise semblable à celle d'un ministre en partance pour un lointain pays d'Amérique latine, auquel un conseiller technique résume en hâte, la veille du départ, ce qu'il faut connaître de l'histoire du pays visité pour ne pas avoir l'air trop étonné.
La salle des professeurs est un endroit dans lequel il ne faut pas s'attarder. Nous n'y sommes jamais vraiment en sécurité. Le risque d'agression y est majeur. Là-bas, on appelle ça un "échange de pratiques"
[...] murmurer "bon courage"au collègue qui part dans sa salle, comme s'il allait affronter un cyclone, et non des malheureux ensommeillés...
Tout avait été fait pour transmettre un savoir volatil, éclaté, absurde. On avait cassé tout ce qui pouvait ressembler à un cadre.