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Critiques de Baptiste Giraud (2)
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Sociologie politique du syndicalisme

Engagements militants, processus d’institutionnalisation, modalités de représentation…



Dans la présentation générale de l’ouvrage, Sophie Béroud, Baptiste Giraud, Karel Yon parlent d’introduction à une analyse sociologique du syndicalisme « attentive aux logiques de fonctionnement des organisations syndicales, aux pratiques et aux modes d’engagement de leurs adhérents et aux espaces de représentation dans lesquels ces derniers s’inscrivent », des caractéristiques singulières du syndicalisme français (dont le grand nombre des organisations rivales, la multitude de syndicats professionnels et catégoriels, la faiblesse des effectifs, etc.), des discours disqualifiants et du syndicalisme légitimé (celui d’autres pays), des réformes législatives restructurant « l’espace des relations professionnelles » – avec une volonté politique d’enrôler le syndicalisme « dans des processus de réforme libérale du marché du travail et de la protection sociale ».



L’autrice et les auteurs aborde aussi l’intégration institutionnelle des syndicats, le travail institutionnel de défense des intérêts des salarié·es, en regard d’autres évolutions institutionnelles en Europe.



Iels (elle et ils) proposent de « réviser un objet d’étude au croisement de plusieurs disciplines des sciences sociales ». Et, entre autres, de ne pas en rester à l’histoire sociale et politique du syndicalisme ni à l’analyse des conflits du travail, d’intégrer « l’examen des conditions de production des règles qui encadrent les relations de travail », de prendre en compte l’« intégration dans une multitude de dispositifs de représentation » des représentant·es syndicales/syndicaux, de réfléchir « sur les contraintes qu’induisent les mutations de l’organisation du travail et les recompositions du salariat sur les dynamiques de l’engagement syndical », d’analyser « les conditions de possibilité de la reproduction ou de renouveau de l’engagement et des mobilisations syndicales », d’examiner les éléments de la conflictualité du travail, de réinscrire l’objet de l’étude syndicale « dans le champ de la sociologie des mouvements sociaux », de faire dialoguer diverses perspectives…



« Une sociologie politique du syndicalisme invite à partir de l’analyse du travail syndical de représentation tel qu’il s’incarne dans des pratiques situées à différents niveaux et à étudier les dynamiques de construction des formes organisationnelles ».



En effet, l’analyse des discours ne saurait suffire à comprendre ce que sont ou comment apparaissent et fonctionnent les différentes organisations syndicales. Il faut à la fois historiciser les constructions, prendre en compte les contraintes institutionnelles (de ce point de vue, les comparaisons internationales sont indispensables) et les modifications économiques et/ou socio-politiques.



Et comme les syndicats sont des « espaces de relations », il convient à la fois d’observer les pratiques concrètes des acteurs et actrices syndicales/syndicaux, de mettre l’accent sur les modalités d’ancrage social de ces pratiques, de diversifier les échelles d’approches.



Sophie Béroud, Baptiste Giraud, Karel Yon, tout en signalant la présence d’« angles morts », précisent aussi l’organisation et les objectifs du manuel :



« Il s’agit ainsi de montrer l’intérêt de considérer le syndicalisme comme un objet et un enjeu spécifique de la sociologie politique, en ce qu’il permet de développer un ensemble de questionnements plus généraux de la discipline, qu’il s’agisse d’interroger les dynamiques de l’engagement militant, les modalités d’enrôlement des groupes d’intérêts dans la gestion des problèmes publics ou bien encore l’organisation et le fonctionnement du travail de représentation politique »



« Le plan de ce manuel procède à cet égard d’une double logique. Il permet d’une part de réinterroger de façon critique les principales représentations médiatiques et controverses politiques que cristallise le syndicalisme français : son institutionnalisation, sa politisation, ses divisions, la faiblesse de ses effectifs, sa représentativité, son rapport au conflit, etc. Il consiste d’autre part à mettre en évidence la façon dont l’analyse du syndicalisme s’inscrit dans les différents débats de la sociologie politique et y contribue de façon originale ».



Ma lecture, en tant qu’ancien syndicaliste, reste plus orientée sur le syndicalisme lui-même que sur la matière sociologique. Je ne vais pas présenter le détail des analyses réparties en différents chapitres : L’institutionnalisation du syndicalisme à la française ; Pluralisme et (dé)politisation du syndicalisme ; La représentativité syndicale en question ; Les logiques de la représentation syndicale ; Fabriquer des militants : les enjeux politiques et organisationnels du « renouveau syndical » ; Les répertoires de l’action syndicale.



Je signale que l’ensemble me semble plutôt complet (Reste que les organisations syndicales gagneraient à prendre en compte les effets de l’imbrication des rapports sociaux sur l’insertion des salarié·es dans les entreprises). L’écriture ne souffre pas des « formules sociologiques », le rappel de la subordination à l’autorité patronale des salarié·es en emploi indispensable, la volonté de comparer et non de distribuer des « bons points » devraient permettre à chacun·e, syndicaliste ou non, de mieux comprendre la situation syndicale en France et ses possibles évolutions. Le reste relève du débat démocratique.



Je précise que pour moi, le syndicalisme et la construction d’organisation(s) permanente(s) de salarié·es est une nécessité, non seulement au présent mais comme condition (certes non suffisante) de l’auto-émancipation des salarié·es (une école de socialisme pour utiliser une formule un peu désuète).



Comme l’écrivent Sophie Béroud, Baptiste Giraud, Karel Yon en conclusion : « Un enjeu actuel dans l’ouverture de nouveaux chantiers de recherche est sans doute de déplacer la focale des formes instituées vers les formes émergentes de représentation et de mobilisation des travailleuses et travailleurs, mais aussi de comprendre comment celles-ci contribuent à faire bouger ce qui est institué, tant du point de vue des structures syndicales que des pratiques militantes légitimes »



Demeure une question posée maintenant à toustes les auteurs et autrices, pourquoi ne pas utiliser une écriture plus inclusive ? – le point médian, l’accord de proximité, les adhérents et les adhérentes, les salariés et les salariées, pour rendre visibles les unes et les autres, les iels et toustes.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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La lutte continue ? : Les conflits du trava..

« Le repérage des conflits n’est évidemment pas une opération neutre, il est en lui même un enjeu de luttes » « …la manière de construire, de reconnaitre et de caractériser un conflit collectif ne va pas de soi, mais relève d’un jugement subjectif situé socialement et temporellement. »



L’objectif des auteur-e-s est double : « Il s’agit, d’une part, de soumettre les idées reçues, véhiculées par les discours médiatiques et politiques, à un examen critique, pour accéder à une connaissance plus précise de la conflictualité au travail et de son évolution. Il s’agit, d’autre part, de montrer son importance pour la compréhension des rapports de domination et des résistances qui traversent les mondes du travail. »



Un double travail est nécessaire : appréhender l’intensité des pratiques conflictuelles, leurs localisations, leurs formes et leurs dynamiques, croiser et contextualiser les représentations pour étudier les formes contemporaines, dans un moment historique précis, de la contestation au travail.



L’ouvrage se divise en quatre chapitres « Des conflits en baisse ? », « Continuité des luttes ? Un paysage moins bouleversé qu’il n’y paraît », « Du retrait individuel à l’action collective : des frontières poreuses » et « Conflits et négociations : des réalités imbriquées ».



Les auteur-e-s remettent en cause l’image médiatique (valorisation de la grève et oubli des autres formes de protestations, comme les pétitions et les manifestations) d’une baisse des conflits. « Cette déperdition se révèle particulièrement discriminante à l’égard des petits établissements et des conflits courts. » Elles et ils prennent en compte « les formes plus souterraines, moins visibles et plus individuelles que traduisent l’absentéisme ou les refus d’heures supplémentaires. »



En conclusion, tout en soulignant que « Cette hausse de la conflictualité rompt enfin avec les visions pacifiées du monde du travail tant elle rappelle que les antagonismes sociaux sont loin de disparaître sous l’effet conjugué des restructurations sectorielles et de la transformation des modalités des gestion de la main d’œuvre. Au contraire, les conflits s’imposent comme une dimension toujours structurante des rapports productifs », les auteur-e-s invitent à modifier le regard sociologique pour saisir les conflits du travail comme des mobilisations collectives et se déprendre du discours dominant sur l’état des relations professionnelles.



Je souligne néanmoins une autre dimension. Si « La perception commune de l’activité protestataire et revendicatrice des salariés dépend, en effet, de représentations politiques et médiatiques qui en biaisent l’analyse », l’oubli des rapports sociaux de sexe (genre) empêche de saisir la totalité et la complexité du champ étudié.
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