Belinda Bonazzi portrait janvier 2022 - Ville de Bourg-lès-Valence
Lors d'un cours de sémantique à la fac, un professeur nous avait affirmé qu'une parole pouvait toucher l'individu plus intensément encore qu'une confrontation physique. Un mot pouvait réellement être éprouvé comme un contact corporel et nous êtions ainsi responsables de l'impact psychologique de nos paroles sur la personne à laquelle nous nous adressions...
Nos yeux troublés se croisèrent et j'eus un moment l'impression de me regarder dans un miroir. Comme si cette personne représentait mon double dans une dimension parallèle et que nos deux univers venaient tout juste d'entrer en collision, bouleversant au passage les mondes respectifs que nous connaissions jusque là.
« Ce que je n’avais pas réalisé en partant pour ce voyage, c’est que nous ne faisions pas seulement cap vers la mer, mais vers la mer de mon enfance. Je n’étais pas revenue ici depuis plus de vingt ans. Tout ce côté de la ville, avec sa gare et ses arènes bétonnées, ne me rappelait rien. Pourtant, j’étais convaincue de pouvoir retrouver d’instinct le chemin qui nous mènerait au bon endroit. »
Un voyage de plus dans le passé. Une madeleine de Proust auditive. Une remise en mémoire par les sens. Une réminiscence imposée par la bande-son de mes grandes vacances sur la route du bal jusqu'à la rentrée des classes avec papa et maman.
Je possédais à présent toutes les réponses, toutes les clés. La vie était là, partout autour de moi et je devais simplement m'en emparer. Cela peut paraître simpliste, voire naïf, la banale morale d'un film hollywoodien. Pourtant, je suis bien obligée de l'affirmer maintenant que je suis enfin parvenue à m'en convaincre : la chose la plus importante au monde est d'aimer la vie et de ne surtout pas oublier de la vivre.
Mais avant, il me faut démêler le fil de mes heures, rétablir l'ordre de mes années, remettre en orbite mes mondes et en arriver peut-être à tout perdre, tout oublier de ce bref passage dans le temps pour retrouver au réveil mon moi actuel comme si jamais je ne l'avais quitté.
Me dirigeant alors, sans l'avoir vraiment décidé, vers l'instrument animé, la nature m'offrit, au fur et à mesure de mes pas, une nouvelle chorégraphie à chaque noté pianotée. Ainsi, sur un chemin richement boisé, une montée sur le clavier provoqua un fabuleux souffle virevoltant. Une fois arrivé aux cimes des cèdres du Liban, ce souffle redescendit rapidement jusqu'au sol, avalant tout ce qui reposait là-bas : feuilles, poussières, brindilles. Cet assortiment de nature oubliée se transforma alors en un tourbillon de vie, amorçant une ascension vertigineuse dépassant les entités les plus vigoureuses de ce condensé de forêt.
Ce n'est pas que je me désintéresse du sort de mon prochain, je l'assiste même avec plaisir en cas de pépin. Néanmoins, je ne cherche pas sa compagnie à tout prix et me satisfais même souvent de ne pas avoir à la subir trop longtemps. En somme : cordiale mais solitaire. Chacun est comme il est, pourtant il m'a fallu du temps avant d'accepter ce trait de ma personnalité souvent qualifié, à tort, comme de la timidité, voire du snobisme. J'aime les gens, j'aime rire et m'amuser en leur compagnie. Cependant, j'aime aussi, et cela plus souvent que la moyenne, rester en tête à tête avec moi-même.
Lors d'un cours de sémantique à la fac, un professeur nous avait affirmés qu'une parole pouvait toucher l'individu plus intensément encore qu'une confrontation physique. Un mot pouvait réellement être éprouvé comme un contact corporel et nous étions ainsi responsables de l'impact psychologique de nos paroles sur la personne à laquelle nous nous adressions.
Plus de peur, plus de stress, plus de culpabilité cheloue, plus de manque d'assurance, plus de timidité, plus de retenue, plus de limite. Simplement cette envie de respirer ici, de vivre maintenant et de profiter de ce flou euphorique qui brouille les frontières entre son corps et le monde, qui efface les barrières entre soi-même et les autres.