Le soir je suis en duplex sur TF1 depuis mon hôpital. [...] Deux minutes d'antenne. Je m'interroge : Est-ce exprès qu'on aborde les choses avec rapidité dans le monde actuel ? Dans un tempo qui empêche toute interrogation ?
(p. 55 - Éd. Prisma)
Dans le reflet de la vitre, mon visage s’était creusé. Manifestement j’avais perdu du poids, cinq kilos en une semaine. J’envisageais de revenir travailler après le week-end si mon état continuait de s’améliorer. Je pensais à Marie et Guilène, mes collègues médecins qui étaient toutes seules dans la tourmente. La quinzaine d’isolement n’était plus de rigueur pour les soignants étant donné le manque de personnel. C’est alors que je reçus une alerte sur le fil WhatsApp de notre service. Le message d’un médecin de Mulhouse, dont je copie ici les principaux extraits. C’était le 15 mars 2020.
"Mulhouse,
Chers collègues,
Je me permets de m’adresser à vous pour un petit retour d’expérience sur ce que nous traversons depuis trois semaines d’épidémie Covid-19.
Les multiples appels téléphoniques que j’ai reçus depuis trois jours de collègues de l’ensemble du territoire semblent montrer que l’importance de la situation est totalement sous-estimée. [...]"
J'apprécie la médecine dans ce qu'elle m'apporte de connaissances en mouvement, de contact humain... Mais, en fait, ce que je préfère en elle, c'est ce qu'elle apporte aux gens quand elle est gratuite et pour tous : une paix sociale. Cette paix indispensable aux autres hommes afin qu'ils puissent réfléchir et réinventer le monde demain.
(p. 200 - Éd. Prisma)
La science, c'est le doute, le doute jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus. [...] La méthodologie de la preuve, c'est ça la science. Elle permet de trancher entre impression et réalité. Elle est un rempart, elle n'a pas de préjugé. [...] Elle est juste une méthode de réflexion sur la façon de démontrer telle ou telle chose. Une fois la preuve obtenue, elle permet de poser une pierre dans le jardin de la connaissance. Sans émotion ni jugement, juste par démonstration.
(p. 26-27 - Éd. Prisma)
Dire que l'on est devenu nombriliste à notre époque, c'est surélever notre centre de gravité réel d'un décimètre.
(p. 14 - Éd. Prisma)
Quelqu'un qui a passé sa vie à mettre en application des procédures existantes a-t-il suffisamment d'imagination pour s'adapter à une situation inédite ?
C'est le problème qu'on rencontre le plus souvent en médecine : l'adaptation nécessite une connaissance intime du terrain... tandis que tout se décide dans des bureaux, loin des hôpitaux.
(p. 34 - Éd. Prisma)
À force de prioriser ceux qui ont le plus de chance de s'en tirer, j'ai l'impression d'insulter l'espoir.
(p. 50 - Éd. Prisma)
Dix années de médecine balayées par une "doctrine" pondue dans un bureau. [...] Toutes ces limitations, ces autorisations... Parfois on aimerait que le pouvoir se manifeste autrement que par sa capacité à restreindre.
(p. 16-17 - Éd. Prisma)
Nous croyons vivre dans un grand pays, civilisé et industrialisé. Pourtant, à l'hôpital, c'est le règne de la débrouille.
(p. 55 - Éd. Prisma)