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Critiques de Bernard Drupt (5)
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JUILLET 1997 N° 193









CLICHES PASSES - Bernard DRUPT - Editions LES DOSSIERS D'AQUITAINE.

Diffusion: LA REVUE INDEPENDANTE 206/208 rue Edouard Branly 93100 MONTREUIL-sous-Bois.

*

Une rencontre avec Bernard DRUPT par le truchement de ce qu'il préfère, c'est-à-dire l'écrit est toujours un moment d'exception.

Dans la continuité de PHOTOS-SOUVENIRS, et peut-être davantage, il nous invite à visiter une autre galerie de portraits qu'on imagine couleur sépia ou noir et blanc puisque c'est ce qui sied le mieux à la photographie. Pas si passés que cela ces clichés pourtant, à moins que ce ne soit cette allusion à ce temps d'avant qui nous obsède tous et qui fait partie de notre vie. Les souvenirs s'envolent comme l'évoque le dessin en couverture d'Arfoll, l'éternel complice et qui me rappelle un poème de Jacques Prévert.

S'il nous donne à voir des personnages qui "(Jaillissent) de sa mémoire", s'il en égratigne quelques autres, règle des comptes ou rend à l'occasion un hommage appuyé, ce livre reste un recueil de souvenirs personnels. Je choisis d'y voir quelques moments forts qui sont autant de jalons dans son parcours.



Petit garçon, on ne lui a pas ouvert les portes de la vie à deux battants mais les circonstances le poussèrent plutôt vers l'entrée de service. Enfant de la guerre, tour à tour manœuvre et homme de peine à qui la chance souriait bien peu souvent il a pu très tôt vérifier cette maxime qui veut que la vie ne fait pas de cadeaux à ceux qu'elle a choisis pour être ses victimes. Il a eu de la société qui l'entourait l'image d'un monde ou les sans-grades comptent peu et où il faut se battre simplement pour survivre. Les riches et les puissants y font leur loi. Ils vous écrasent pour la seule raison qu'ils se croient différents de vous. Ils vous méprisent et vous les regardez s'agiter en vous disant que vous prendrez un jour sur eux votre revanche... mais ce n'est pas bien sûr. La vie vous joue parfois de bien vilains tours et la justice ne fait forcément partie de ce monde. Il n'empêche nous avons ici à l'occasion l'image de l'égoïsme humain que ne saurait racheter l'exemple de l'abbé Pierre!

C'est en peu de mots l'illustration de la condition des plus humbles qui se débattent face à plus forts qu'eux. Bernard DRUPT sait aussi évoquer le monde du travail, ingrat lui aussi, image en raccourci d'une société dont il est le reflet. C'est la réalité des "Petits chefs" que génère la hiérarchie, suffisants et parfois incompétents qui aiment autant la flagornerie que la compromission parfois au mépris de la conscience professionnelle. Il y est là aussi interdit de marquer sa différence sous peine d'être broyé par ceux à qui on n'a pas fait acte d'allégeance quand l'occasion s'est présentée. Ils apprécient qu'on ne donne pas de la voix, qu'on reste dans le rang, qu'on ne se rebiffe pas, qu'on soit bien lisse... C'est sur ce terreau qu'ils prospèrent!

Il a depuis longtemps décidé d'être lui-même puisque à ses yeux "le naturel vaut mieux que l'épate".

Heureusement il y avait le cinéma qu'il aimait tant et la lecture dont parle si bien Valéry Larbaud. "J'ai eu le grand bonheur d'aimer lire depuis le jour où j'ai vu un livre." Et puis aussi "Mes livres, mes seuls professeurs ayant contribué à l'enrichissement de ma vie d'homme." avoue-t-il au détour d'un chapitre!



Un autre moment fort est sans conteste tout ce qui concerne les odeurs, les goûts si particuliers dont il avoue ne les avoir jamais retrouvés depuis. Ce furent les croissants d'avant la seconde guerre mondiale et auxquels il n'avait pas droit, les pommes fermes et juteuses de l'automne 43, les épinards au fromage de l'hôtel Helvétia... Des parfums aussi qui sont présents à sa mémoire comme "le Caïffa" de son enfance qui transportait du café. Pour lui faire oublier l'horrible panade il y avait heureusement le pain perdu, les gaufres et le pâté de lapin mais je gage que ces derniers plats ne devaient pas être quotidiens.



Je choisis enfin une dernière évocation. C'est celle de cette femme sous son voile de deuil, secouée dans un autorail bringuebalant. Je ne sais pas pourquoi mais en lisant ce texte j'ai tout de suite songé au merveilleux poème d'Antoine Pol "Les Passantes" auquel Georges Brassens accrocha ses notes mélancoliques. "A la compagne de voyage dont les yeux charmant paysage font paraître court le chemin... A celles qu'on connaît à peine, qu'un destin différent entraîne et qu'on ne retrouve jamais... Chères images aperçues, espérances d'un jour déçues..." Il est des rencontres qu'on n'oublie pas et qui s'incrustent dans le souvenir malgré soi avec leur cortège de regrets. "De la main qu'on n'a pas su prendre, des yeux qui doivent vous attendre ..." C'est cela aussi cette vie, cette nostalgie qui vous accompagne, ces remords qui parfois vous troublent...



Après quelque vingt-cinq ouvrages publiés, ce livre se referme où les bons souvenirs égrenés dans un style personnel se mêlent aux mauvais. Alors, quel regard porte-t-il sur cette existence dont nous savons qu'elle est éphémère? Je ne saurais répondre pour lui mais ce qui est essentiel et renouvelé à cette occasion c'est qu'il a voulu laisser une trace. A l'instar de Georges Chillon qu'il interviewa et dont DITES-MOI (du même auteur) a gardé la mémoire il peut dire: "J'ai pris la parole".



(c) Hervé GAUTIER

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Les Justiciers



Juin 1991

n°64



LES JUSTICIERS - Bernard DRUPT - La Revue Indépendante - 206 rue E.Branly - 93100 MONTREUIL/BOIS



Amateurs de bonnes lectures, dépêchez-vous, il n’en reste peut-être pas beaucoup d’exemplaires et franchement ce serait dommage de ne pas partager avec Bernard Drupt ce voyage réécrit par lui au pays du quotidien.

Comme il le dit, ces contes sont, pour la plupart, puisés à la source des « faits divers ». Le journaliste qu’il est ne pouvait donc pas manquer ce rendez-vous qui chaque jour émaille nos journaux. Heureusement, il y a plus et l’échotier cache l’écrivain qu’on aurait bien tort de ne pas accompagner dans ce jardin secret qu’est la nouvelle. Il faut, il est vrai, quelque courage pour donner dans cette discipline. On sait que c’est plutôt un genre anglo-saxon qui, dans notre pays, n’est guère en vogue. Et pourtant l’humour, le style et le talent ne manquent pas à notre auteur qui n’en est pas à son coup d’essai.

Le fantastique ici côtoie le quotidien pour le plus grand plaisir du lecteur, mais si l’imaginaire peut parfois le griser, il convient de prendre garde, et des nouvelles comme « opération pétoche » ou « le troc » le ramènent à une réalité bien terre à terre.

C’est vrai que, comme la plupart des bons livres une relecture s’impose, et j’ajoute qu’elle gagnera à être immédiate, car comment rester insensible au regard qu’il porte sur cette société dont on ne peut pas vraiment dire qu’elle est idéale? Il y a beaucoup à faire, et cela commence par la dénonciation de ses tares qu’on a tous envie d’extirper.

Un lecteur, même inconsciemment, a toujours tendance à sublimer ses propres fantasmes et les attribuer, peu ou prou au texte qu’il lit. Cela a peut-être été mon cas et j’ai choisi, sans doute à contre-courant de lire, par-delà les mots qui flirtent avec la rime, et parfois aussi avec l’alexandrin, une sorte de mal-être!

C’est vrai que, usufruitiers temporaires de ce pauvre monde, nous n’y sommes que de passage, et l’empreinte que nous y laisserons ne restera pas plus longtemps que celle de notre pied sur le sable, bientôt léché par la vague ! C’est cette vérité que semble nous rappeler des textes comme « A la une », « L’aïeule » qui nous donnent rendez-vous avec l’émotion, la vraie... Dans d’autres nouvelles, c’est l’égoïsme, l’indifférence qui caractérisent si bien notre société et la condition humaine. Les gens naissent, vivent et meurent... C’est la vie. Elle passe et nous aussi !

Je le dis, ces nouvelles sont un miroir qui nous renvoie sans complaisance notre propre image avec ses imperfections, ses rides et son regard fuyant. « Trotte marot », « Station » ou « Double vol », nous proposent de regarder une réalité bien quotidienne.

C’est drôle, mais j’ai songé à la chanson de Jacques Brel « Les vieux », chantée sur un rythme de pendule... L’aurions-nous oublié, le temps passe malgré l’amour qui est le miel de la vie, malgré nous ! Heureusement, il y a l’humour, dont quelqu’un a dit qu’il est la politesse du désespoir, et qui permet de rire de la vie au lieu d’avoir à en pleurer.



Je le répète, j’ai bien aimé ce livre et je ne m‘étonne pas de l’appréciation de Henri Vincenot qui voyait en Bernard Drupt « un écrivain, un vrai! »



© H.G.
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Ils m'ont dit : Entretiens

Juillet 1991

n°70



ILS M'ONT DIT - Bernard DRUPT - La Revue Indépendante - 206 rue E.Branly - 93100 MONTREUIL/BOIS



On connaissait Bernard Drupt comme un homme de lettres tous les sens du terme. On le savait défenseur de la langue française, et son sens du journalisme était reconnu. Avec «  Ils m'ont dit » , il dévoile une autre facette de sa personnalité, celle de savoir écouter ses contemporains. La phrase de Gilbert Cesbron citée en exergue prend dès lors tout son sens.

Il a su, dans un panel de trente-cinq personnages, présenter des auteurs, mais aussi des journalistes dont certains sont célèbres, et d'autres le sont un peu moins, mais qu'importe... Il a apporté à tous la même attention, le même intérêt. Et tant pis pour ceux qui n'étaient pas au rendez-vous!

C'est vrai qu'il y a comme chez le téléspectateur ou l'auditeur une aspiration légitime à en savoir plus, à connaître la face cachée d'un personnage célèbre. Un des intérêts de ce livre est de lever un coin du voile jeté sur ceux-là mêmes qui s'en recouvrent volontiers, car notre auteur a eu le bon goût de ne pas s'entretenir avec des personnages à scandale qui font de leur vie privée une affaire publique. Ceux-là, je pense, ne l’intéressent pas ! Derrière l'homme public se cache une sensibilité, des préoccupations d'homme ordinaire, un jardin secret aussi dont il ne laisse pas forcément fouler les allées. Bernard Drupt a su amener chacun se livrer par la pertinence de ses questions, l'intelligence de ses remarques. Je note également, et ce n'est pas une moindre qualité que, tout en s’effaçant devant son sujet, il a su lui-même s'affirmer en ne se laissant pas oublier, prouver qu'il restait maître du jeu.



C'est qu'il ne s'agit pas là d'un questionnaire-type, appliqué aveuglément à chacun. Bernard Drupt a su s'adapter à son interlocuteur en fonction de sa vie, de son œuvre, de ses origines. Il est normal que, face un journalisme aussi professionnel que lui, il y ait quelques réserves, que l'interlocuteur dresse des barrières ou reste sur la défensive. A ce propos, j'emploierai volontiers le terme de maïeutique, l'art d'accoucher les esprits cher à Socrate, tant il est vrai que certains intervenants se sont étonnés eux-mêmes lors de ces entretiens. Ils sont tous des hommes de communication, et on a tôt fait de leur coller une étiquette... Démythifier est un des sens de ce livre, car les médias sont un prisme déformant...

Ce qui m'a intéressé dans cet ouvrage, c'est sa simplicité. Bernard Drupt mène ses entrevues sans prétention mais avec sensibilité, intelligence, spontanéité aussi, comme un honnête-homme qu'il est. Mais cette belle galerie de portraits ne doit pas nous faire oublier son travail considérable de documentaliste complété par une grande culture. Il le dit lui-même : «  On ne s’embarque pas sans “biscuits “ ». Mais quand même, chapeau !



La multiplicité des intervenants, leur qualité font de ce livre un ouvrage de référence à bien des titres. Non seulement il s'intéresse au phénomène littéraire en général, mais aussi il prend en compte des problèmes de société, ce qui en fait un ouvrage actuel, bien que certains entretiens datent de quelques années. Bref, c'est l' occasion de faire le point sur notre société au quotidien, mais aussi de la voir travers les yeux d'humanistes.



Ce que j’apprécie aussi, c'est le respect que Bernard Drupt a de son interlocuteur. C'est une grande qualité que beaucoup de ses confères oublient souvent. La franchise et l’objectivité la complètent et cela enrichit la perception que nous avons des hommes qu'on dit célèbres...Ceux qui ont répondu comme ceux qui se sont dérobés !



Être un confident, voire un confesseur est la fois une tâche ingrate et passionnante. Il faut connaître l'homme et son œuvre, savoir faire un bout de route avec lui, l'entraîner sur des chemins de traverse, le pousser dans ses contradictions sans jamais choquer. C'est du grand art !



J'ai dit que je considérais ce livre comme un ouvrage de référence, j'ajoute qu'une suite s'impose !



H.G.
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La liberté vaut un amour

N°212

Octobre 1999







LA LIBERTE VAUT UN AMOUR- Bernard DRUPT – Éditions Les Dossiers d'Aquitaine.

Commandes diffusion « Revue Indépendante » 206/208 rue Edouard Branly 93100 MONTREUIL sous Bois.



Croyez-moi si vous voulez, mais j'ai lu ce livre d'une traite, avec plaisir, parce que l'intérêt qu'il avait suscité chez moi dès la première ligne ne s'est pas démenti tout au long des cent quatre vingt dix pages que compte le roman. J'ai déjà dit combien j'attache de l'importance aux auteurs qui savent éveiller d'emblée l'attention de leur lecteur.

Bernard Drupt nous plante le décor, la côte d'Azur, la Méditerranée, l'été, et les personnages, Elyanne, jeune femme jolie, à l'aise financièrement, mariée et mère de Guy, un petit garçon de quatre ans, délaissée par un mari volage et parti en Afrique du Nord pour des raisons professionnelles. René, jeune homme « bien », libre, désargenté, artiste, romantique, constamment partagé entre la timidité et la passion, mais prompt à tomber amoureux des jolies femmes.

Il se trouve que ces deux êtres qui n'avaient rien pour se rencontrer tombent amoureux l'un de l'autre au premier regard. (J'ai toujours aimé l'expression « tomber amoureux », elle résume parfois bien la situation d'une vie qui bascule). Cet amour réciproque est sincère, c'est, comme on dit un « coup de foudre », mais les choses ne sont pas si simples. La morale, les principes, la peur du scandale et surtout pour Elyanne la crainte d'une maternité (n'oublions pas qu'il s'agit là d'un roman dont l'action se déroule en 1952) qui la précipiterait dans un divorce forcé, dans une situation financière précaire… Et puis il y a Guy, un sale gosse, toujours entre eux et qui les empêche de s'aimer. Ce n'est qu'une vie fragile mais une femme s'attache toujours plus à son enfant qu'à son amant.

Bernard Drupt nous conte cet amour d'été, inassouvi (ou presque), contrarié en tout cas par les événements et somme toutes sans lendemain malgré les serments… Que veut-il nous dire à l'occasion de ces pages, que l'amour fou ne dure pas, qu'il ne faut pas s'attacher, que la liberté est plus belle que tout, que les chaînes, même les plus tendres sont toujours des chaînes… ?

On imagine facilement Elyanne et René trente ans après, mariés, après qu'Elyanne eut divorcé et rompu avec sa famille, avec Guy qu'on aura facilement mis sur la touche et qui ne manquera pas, le moment venu de demander des comptes, avec les demi-frères et demi-soeurs qui seraient venus faisant de cette famille quelque chose de bâtard comme c'était le cas à l'époque. Représentons-nous cet homme et cette femme avec les remords qu'ils n'auraient pas manqué d'accumuler, les trahisons peut-être ? C'est sans doute à tout cela que René pense dans le train qui l'emmène vers la Capitale ? C'est peut-être là une lâcheté, tout simplement, une absence de volonté d'engagement, peut-être une découverte peu flatteuse de soi-même ? Elyanne attendait-elle autre chose ?

Au contraire de ce dénouement, l'auteur nous en propose un autre qui a l'avantage d'aller dans le sens des choses, c'est à dire de la raison qui est à cent lieues des passions et qui reprend ses droits quand elles se sont évanouies. Elyanne, honteuse peut-être d'avoir failli, désireuse, malgré tout de laisser les choses en l'état par amour pour son fils ou de conserver intacte cette belle histoire d'été, décide de rompre. René tout gonflé d'espoir de réussite court vers Paris, vers la gloire et l'argent. Aurait-il vraiment vécu avec cette femme, entre indifférence, désamour et petits boulots ? Son destin est-il ailleurs ?

C'était une belle histoire qu'assurément aucun des deux n'oubliera, qu'il gardera sa vie durant dans un petit coin de sa mémoire en se disant que c'était un bon moment de bonheur ! de cela on fait parfois des livres, avec une plume qu'on ne trempe pas forcément dans l'encre de la seule imagination. le coeur y a aussi sa part !



Je dois l'avouer, j'ai un faible pour les romans psychologiques dont j'aime l'atmosphère surtout quand, comme c'est le cas, ils sont bien écrits. Au risque de me répéter, je confesse que j'apprécie le style de Bernard Drupt, cette façon simple et efficace qu'il a de dire les choses, de faire passer son message, de manier cette si belle langue qui est la nôtre… et de passionner son lecteur.



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Pouvoir le Dire

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N° 245–Décembre 2002



POUVOIR LE DIRE – Bernard DRUP – PUBLIBOOK ; Republic ALLEY 18 rue du Faubourg du Temple 75011 PARIS France – http://www.publibook.com



Dans le n° 289-290 de la très appréciée « Revue Indépendante », Bernard DRUPT annonce sa démission «des postes » de secrétaire général, trésorier, homme de peine, rédacteur en chef… exercés depuis combien de temps déjà ?

Le titre de son édito (Pour qui sonne le glas ?) en dit assez long sur son état d’esprit et surtout sur sa fatigue, son découragement parfois. Son ami André Fonnet (qui est aussi l’auteur du logo de « La Feuille Volante ») lui apporte aide et soutien dans cette entreprise d’autant plus intéressante qu’elle est désintéressée.

Il ne m’appartient pas de connaître les raisons de ce choix que j’imagine douloureux, mais, lecteur attentif de cette revue depuis bien des années, j’avoue que l’absence de Bernard Drupt se fera sentir, que cette institution qu’est « La Revue indépendante » y perdra sans doute quelque chose, peut-être un peu de son âme, de sa spécificité, de sa différence, de son indépendance …



Ce n’est sans doute pas un hasard si, paraît aux Éditions Publibook son dernier livre « Pouvoir le dire »(Chroniques 1995 –2001) qui reprend ses éditoriaux que nous apprécions tous.

Je ne veux pas me livrer ici à un panégyrique de l’écrivain qu’il est, ni du journaliste qu’il sera toujours, spectateur critique de ce monde qui de plus en plus s’en va à vau l’eau et dont il n’a jamais oublié, « en toute indépendance » de dénoncer les scandales politico-financiers, quand, à ses yeux, ils méritaient de l’être.

Le pamphlet est un art qui se perd de nos jours, surtout quand tant de journalistes, et des plus connus, se rapprochent du pouvoir politique de quelque côté qu’il penche, pour en recueillir les honneurs et parfois les miettes… Chez Bernard Drupt, point de compromission, mais un art consommé de la raison et du discernement, rappelant sans doute et à sa manière le mot de Beaumarchais « Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur ».

Ses détracteurs pourront dire de lui qu’il est d’une autre époque. Et après ? L’expérience des aînés n’a jamais fait de mal aux autres générations. Notre société l’a un peu trop oublié et quand il exhorte les jeunes à la lecture qui peut parfois, ô miracle, se transformer en envie d’écrire, on ne va tout de même pas l’en blâmer !

J’ai déjà dit dans cette revue combien j’apprécie son talent d’écrivain. J’ajouterai qu’il sait rester humble devant cette merveilleuse alchimie de l’écriture qui fait que les mots s’installent sur la page blanche sans que l’auteur sache vraiment pourquoi. Certes, il ne lui suffit pas de se laisser aller à l’inspiration, il faut, et il le sait, de la sueur, du travail, du doute, de « l’orpaillage », et tout simplement de ne pas avoir peur d’avouer lire les autres… Et lui de rappeler à propos ce mot de Clément Marot «°Un homme ne peut bien écrire s’il n’est quelque peu bon lisart ». C’est grâce à cette soif d’écriture et de lecture, qui ne sera sans doute jamais complètement étanchée que Bernard Drupt sera toujours là pour notre plaisir !

Mais, revenons à ce recueil d’articles qui dénonce sans arrangements les vices de cette civilisation où bien souvent on marche sur la tête. Je dirai qu’il a cette qualité extraordinaire d’être un autodidacte. J’attache en effet une extrême importance à ceux qui ont appris par eux-mêmes et qui aiment faire partager leur expérience des choses apprises à « l’école de la vie » qui, si on en juge par ses ouvrages déjà parus, n’a pas forcément été tendre avec lui ! Mais qu’importe, chacun fait son parcours sur terre, suivant un improbable destin auquel il ne peut échapper !

C’est vrai que ce qu’il écrit souvent dérange, qu’on peut voir chez lui un air un peu contempteur ! Et après ? Ce qu’il dit est juste et il n’en rajoute pas (au contraire sans doute ?), il a le mérite de pointer du doigt les dysfonctionnements de cette société dont la vie ne lui est pas indifférent. Il est un « veilleur » comme savent l’être les humanistes militants, toujours désireux de conserver les droits chèrement acquis par les générations précédentes.

C’est qu’il rappelle bien des vérités élémentaires, que nous sommes en France, dans une démocratie qu’il faut préserver, qu’il faut être vigilant car le totalitarisme n’est jamais très loin, que le droit de vote est aussi un devoir (celui de l’expression), que la morale n’est pas l’apanage des religieux, qu’il faut toujours « raison garder »…

Il se cantonne aux choses simples, celles qui s’étalent chaque jour sous notre nez au point que trop indifférents ou trop pressés nous n’en voyons même plus les outrances. Tous ces passe-droits, toutes ces prébendes largement distribuées à une clientèle électoraliste, tous ces scandales qui font honte à notre République… On n’en finirait pas d’égrener les injustices qui n’ont même plus leur place dans la presse officielle. Bernard Drupt a eu le courage de tout dénoncer, même s’il ne se fait aucune illusion sur la mémoire qu’il sait « courte » de ses compatriotes, qu’ils ne « sont pas faciles à bouger », qu’il n’est pas facile de tordre le cou aux vieilles «  idées reçues »…

Il fustige la palinodie, la «  télé-abêtissante », le gaspillage de l’argent public qui, on l’oublie un peu trop facilement a pour vocation d’être redistribué aux plus défavorisés et à être dépensé pour le bien de la collectivité (air connu et vœu pieu !), que nous devons rester dans l’État de droit et ce sur tout le territoire de la République, que les fonctionnaires doivent, par leur travail, montrer l’exemple, comme les politiques, comme les éducateurs du secteur public et du secteur privé (comme s’il y avait une différence en terme d’éducation ? À qui la faute ? Martèle-t-il), que nous sommes tous égaux devant la loi… mais que certains le sont plus que d’autres… Mais voilà, c’est que notre homme n’a pas peur de parler vrai et de mettre les responsables souvent satisfaits d’eux-mêmes devant leurs contradictions !

Ce n’est pas un rôle facile, toujours sur la crête de l’indépendance, en ne roulant pour aucun parti politique, sachant dénoncer quand il le faut et approuver aussi quand c’est nécessaire, quelque soit le parti au pouvoir, vilipendant « les grands qui se conduisent en petits » qui heureusement sont parfois épinglés par la justice.

Pourtant, il le rappelle, la révolte ne doit pas être regardée « comme un soulèvement contre l‘autorité, mais bien plutôt comme un refus indigné de ce qui est prouvé comme intolérable …» une sorte de devoir en somme, un « acte citoyen » à l’heure où s’échafaudent lentement les bases de la pensée unique, où depuis si longtemps on a laissé s’installer des zones de non-droit générant une sorte d’apathie générale du « laisser-faire » qui insinue dans nos consciences la certitude que cela ne peut être autrement, qu’on n’y peut rien et que finalement il est plus simple de se voiler la face que de tenter sinon de résoudre le problème, à tout le moins de le dénoncer ! Bernard Drupt combat cette force de l’habitude, ces citoyens passifs autant que cette lassitude qui nous fait tout accepter et qui pousse petit à petit les valeurs de cette République et de cette démocratie auxquelles nous tenons tant vers l’anarchie ou le totalitarisme ! Il faut rester vigilant pour ne pas laisser s’installer des minorités qui n’aspirent qu’à imposer leur loi au plus grand nombre par la terreur, la persuasion ou Dieu sait quoi !

Et puis il y a la défense des plus défavorisés, des plus démunis, simplement parce qu’il se souviens qu’il a fait parti de ceux que bien souvent la société oubliait. Ne pas perdre la mémoire fait aussi partie de son combat ! Il y a de quoi être écœuré à ce spectacle et il se surprend lui-même à dire « Bon, j’arrête », mettant un point final (temporaire) à sa révolte contre les travers d’un société qu’il voudrait plus juste.

Lecteur assidu de la presse, il aiguise son sens critique toujours en éveil, remettant les choses à leur vraie place jugeant ouvertement l’Église, les académiciens français, les États-Unis, la France…

On pourrait dire qu’il est facile de manier les mots, de s’en prendre aux politiques, dans un pays où l’antiparlementarisme est presque une institution, certes, mais le problème est ailleurs, et le journaliste autodidacte qu’il est reste pertinent et impertinent. Qu’il sache que c’est pour cela qu’on l’apprécie ! (Je partage d’ailleurs avec lui l’importance de l’heure du rasage, moment exceptionnel bien qu’apparemment quotidien et anodin où, face à sa glace on a devant soi l’image inversée de soi-même, comme un Janus et qu’on est, face à son propre reflet son seul juge, étonnamment objectif et impartial et qu’il est important qu’on puisse se regarder en face)

Il y a cependant un article qui manque dans ce recueil, celui où il piqua une colère mémorable parce qu’un parti politique s’était emparé impunément du nom de cette belle revue, créée entre autre par George Sand ! Là aussi il a prouvé qu’il est un gardien efficace qui ne transige pas  !



© Hervé GAUTIER
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