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Citation de hupomnemata


Dans sa lutte pour fonder et délimiter un ordre de faits spécifiquement sociaux, Duskheim va en fait opérer un glissement métaphysique qui consiste à inventer un "être psychique" nouveau, distinct de chaque être psychique individuel, et qu'il va appeler diversement "conscience collective", "esprit collectif" où "âme collective". On assiste alors à un double mouvement : 1) un premier mouvement d'exclusion de l'individu, soutenu par l'idée (juste mais inadaptée) selon laquelle le tout (le social) est plus (ou autre chose) que la somme des parties (les individus) ; et 2) un second mouvement de personnification du collectif, qui consiste à doter ce tout des attributs classiquement attachés à l'individu : conscience, inconscient, esprit, âme, etc. Par ce double mouvement, au moment même où il croit se démarquer puissamment de la psychologie et conquérir une autonomie, Duskheim fait une lourde concession à la psychologie et montre qu'il est encore hanté par le raisonnement psychologique : 1) il concède l'individu comme territoire psychologique par excellence et fait du terme "collectif" un strict équivalent du terme "social" ; 2) il parle des réalités collectives comme on parlerait d'un individu singulier en les personnifiant.

Dans Les règles de la méthode sociologique (1895), Durkheim écrit qu' "en s'agrégeant, en se pénétrant, en se fusionnant, les âmes individuelles donnent naissance à un être, psychique si l'on veut, mais qui constitue une individualité psychique d'un genre nouveau". Il ajoute en note de bas de page : "Voilà dans quel sens et pour quelles raisons on peut et on doit parler d'une conscience collective distincte des consciences individuelles. " De même, s'il admet volontiers qu' "il est bien vrai que la société ne comprend pas d'autres forces agissantes que celles des individus", Durkeim précise dans Le suicide (1897) : "Seulement les individus, en s'unissant, forment un être psychique d'une espèce nouvelle qui, par conséquent, à sa manière propre de sentir et d'agir."

En formulant les choses ainsi, Durhheim a pour principal souci de définir l'objet propre à la sociologie en le distinguant de celui (entre autres) du psychologue : " Mais pour que la sociologie ait une matière qui lui soit propre, il faut que les idées et les actions collectives soient différentes par nature de celles qui ont leur origine dans la conscience individuelle et qu'elles soient en outre régies par des lois spéciales." Pour cela, il s'appuie sur un raisonnement scientifique tout à fait juste qui peut se résumer en une formule : le tout est plus que la somme de ses parties. " L'esprit collectif n'est qu'un composé dont les esprits individuels sont les éléments. Mais ceux-ci ne sont pas juxtaposés mécaniquement et fermés les uns aux autres. Perpétuellement en commerce par l'échange des symboles, ils se pénètrent mutuellement ; ils se groupent elon leurs affinités naturelles, se coordonnent et se systématisent. Ainsi se forme un être psychologique tout à fait nouveau et sans égal dans le monde." Ou bien encore: " C'est qu'un tout n'est pas identique à la somme de ses parties, il est quelque chose d'autre et dont les propriétés diffèrent de celles que présentent les parties dont il est composé. (...) En vertu de ce principe, la société n'est pas une simple somme d'individus, mais le système formé par leur association représente une réalité spécifique qui a ses caractères propres."
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