Testament
Mettons-nous d’accord : quand je serai mort,
tu planteras une croix sur ma tombe.
Elle sera pareille à toutes les croix,
mais nous deux, mon ami, nous saurons
qu’il s’agit en fait d’une signature :
de même qu’un illettré inscrit une marque sur le papier,
je voudrais laisser une croix dans ce monde.
C’est une croix que je veux laisser. Je m’accordais mal
avec la grammaire de la vie.
J’ai lu mon destin et n’ai rien compris.
Je n’ai connu que les coups, j’en ai pris l’habitude.
C’est pourquoi les lettres
tombent de ma bouche comme des dents.
Avec une odeur de sang.
/Traduit du russe par Jean-Baptiste Para.
Quand meurent les fontaines,
- les lions, les tritons, les dragons-
Sais tu dans quel pays d'ombre
Elles poussent leurs longs gémissements ?
Dans le jardin séculaire l'automne est venu.
La grenouille gîte dans les taillis.
Oh garde-toi de bondir et de toucher terre,
Je suis à ton oreille un simple murmure
Et ce n'est que douceur si vers toi je m'incline
Automnal et sans force,
Comme si quelqu'un avait encore brisé
Un morceau de ma vie :
"Plus on avance, plus c'est pénible.
Bientôt la neige couvrira tout -
Le palais, l'herbe rase, les allées,
La grenouille et l'homme.
Dans le brouillard tu ne distingueras plus
Mon visage de l'intempérie.
Quand meurent les fontaines,
Il est d'usage d'en pleurer.
QU’EST-CE QU’UN MOT…
Qu’est-ce qu’un mot ? Rien que l’attente
d’un silence éloquent.
Le vers ne diffère pas seulement de la prose
par sa solitude et sa brièveté.
Ma paume chaude au lever du jour
a séché les larmes de la pierre.
//Traduction du russe par Jean-Baptiste Para
LES MOTS
Ils brilleront d’un lustre paneuropéen
les mots du poète transasiatique,
j’oublierai la magie de Sverdlovsk
et la cour d’école du quartier prolétaire.
/Traduction du russe par Jean-Baptiste Para